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Merveilleuse transparence

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En prélude à un prochain billet voici, entre Révolution et Premier Empire, une brève histoire des étoffes transparentes. Un aperçu qui sera l'occasion d'aller farfouiller dans les dessous de l'Histoire en matière d'habillement ou, plus précisément, de déshabillage !

Portrait de jeune femme
Atelier de Greuze - fin XVIIIe
Musée du Louvre (notice)

En France, dès le XVIIe siècle les tissus transparents tels que la gaze furent utilisés pour confectionner certains vêtements d'intérieurs, que l'on appelait déjà "déshabillé"...

Femme de qualité en déshabillé
Estampe dessinée par Jean Dieu de Saint-Jean - 1686
cliquer sur l'image pour l'agrandir (notice de la BNF)

...ou même "déshabillé négligé" !!

Femme de qualité en déshabillé négligé
Estampe dessinée par Jean Dieu de Saint-Jean - 1693
cliquer sur l'image pour l'agrandir (notice de la BNF)


La transparence des tissus de nos déshabillés contemporains n'est pas une invention moderne. Il y a environ quatre millénaires, la mode égyptienne comportait des vêtements de lin transparents qui, avec les robes moulantes, étaient déjà très suggestifs.

La reine Bentanat et sa fille
scène de la tombe de Bentanat
d'après Karl Richard Lepsius

Le tissage aérien des fines étoffes de coton, de soie ou de lin, que ce soit celui de la gaze, du tulle ou de la mousseline, est un art originaire de l'Inde et du Moyen-Orient. La gaze tient son nom de la ville de Gaza, tandis que celui de la mousseline vient de la ville de Mossoul.

Ânkhesenamon et Toutânkhamon
détail d'une fresque de Tell El-Amarna
Ägyptisches Museum, Berlin

Dans les deux portraits ci-dessous, la reine Marie-Antoinette et sa dame de compagnie la duchesse de Polignac portent une petite robe toute simple qui, avec sa taille haute et sa teinte unie, semble annoncer la révolution de la mode vestimentaire qu'engendrera sous peu la Révolution.

Surnommées "chemises à la reine", ces robes de mousseline, blanche ou écrue, aux plis fluides et gracieux, étaient une création de Rose Bertin, la Ministre des modes de Marie-Antoinette.

Marie-Antoinette
d'après Élisabeth Vigée-LeBrun
l'original fut exposé au Salon de 1783
Duchesse Yolande de Polignac
Élisabeth Vigée-LeBrun - 1783
Waddesdon Manor, Aylesbury (notice)
















Lors de son exposition au Salon du Louvre de 1783, le portrait d'une reine en tenue d'intérieur fit scandale et madame Vigée-Lebrun dut le remplacer par un autre tableau, sur lequel la reine porte une robe jugée plus prestigieuse.


Par la suite, les étoffes légères firent sensation dans les tenues révolutionnaires des Merveilleuses. Au sortir de la Révolution, la jeunesse parisienne ne pense plus qu'à dissiper les affres de la Terreur en se lançant à corps perdu dans les distractions. Bals et théâtres se multiplient alors dans la capitale. De l'Ancien Régime, on a fait table rase. Coutume et costume allant de pair, les mœurs et la mode évoluent de façon spectaculaire.


La libération est à l'ordre du jour, paniers et corsets sont définitivement bannis. Pour faire du neuf, on ne trouve rien de mieux qu'un retour à l'Antique. Pour l'heure, les élégantes du Directoire s'habillent à la mode gréco-romaine. Un peu plus tard, quand arriveront les premiers dessins rapportés de la campagne d'Égypte, ce sera le début de l’égyptomanie dans tous les domaines, tant pour le mobilier et la décoration que pour les vêtements féminins.

En attendant, vêtues de tissus diaphanes et chaussées de cothurnes, les plus sages se promènent en relevant le bas de leur robe jusqu'aux genoux. Les plus folles jettent leur chemise de dessous aux orties, causant au passage quelques petits scandales. Les frères Goncourt rapportent dans leur "Histoire de la société française pendant le Directoire" : Un décadi soir de l'an V, deux femmes se promènent aux Champs-Élysées, nues dans un fourreau de gaze.

Mme Tallien aux Tuileries
illustration d'après une aquarelle d'Édouard Zier

Il est probable que l'une des deux femmes nues dans un fourreau de gaze dont parlent les Goncourt ait été Mme Hamelin. Parmi le nombre très restreint de Merveilleuses dont l'Histoire a retenu les noms,  Mme Tallien et Mme Hamelin étaient celles qui se montrèrent les plus audacieuses en matière de transparence vestimentaire. Certaines jeunes femmes les imitèrent au péril de leur vie, dansant toute la nuit dans la fraîcheur des jardins simplement vêtues d'une tunique de gaze.  Dans un article daté de l'An VI (1798), Le Nouveau Paris relate une épidémie de pneumonies fatales sans précédent, engendrée par la mode des "nudités gazées".

Jeune femme en blanc
Atelier de David - 1798
National Gallery of Art, Washington (notice)

Si le Directoire fut l'âge d'or du nu, durant lequel les robes découvrirent amplement les bras (et les jambes) des femmes, le Consulat et le Premier Empire ne furent guère plus pudiques. Depuis leur séjour à la prison des Carmes, Thérésa Cabarrus (future Mme Tallien) et Joséphine de Beauharnaisétaient liées d'amitié. Avec la sage Mme Récamier et la moins sage Mme Hamelin, elles furent véritablement les reines merveilleuses du Directoire.


Juliette Récamier
Jean-Baptiste Jacques Augustin - 1801
Musée du Louvre (notice)


Sur le portrait ci-dessous, peint par le baron Gérard en 1801, le tissu de la robe laisse voir par transparence les jambes de celle qui n'est pas encore impératrice, mais déjà l'épouse de Bonaparte, Premier Consul.

L'Impératrice Joséphine (détail)
François Gérard - 1801
Musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg (notice)


Noëlle-Catherine Verlée, épouse de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord le "Diable boiteux" avait elle aussi de très jolies jambes, que le talent du peintre a bien mis en valeur sous la fluidité transparente du tissu.

Catherine Worlée princesse de Talleyrand
François Gérard - 1804
collection privée


Née Paolina Bonaparte, Pauline était la sœur préférée de Napoléon 1er. Enfants, Napoléon et Pauline s'étaient amusés à contrefaire la démarche de leur grand-mère que l’arthrose obligeait à marcher presque courbée en deux. Outrée par ce scandaleux manque de respect, leur mère jugea bon de les châtier physiquement. Napoléon raconte que « Pauline fut fouettée la première parce que les jupons sont plus faciles à relever qu'une culotte à déboutonner». Une anecdote qui présageait de la vie de Pauline dont le jupon se levait, dit-on, avec beaucoup de facilité.


Pauline Bonaparte, princesse Borghèse
Robert Lefèvre - 1806
Château de Versailles

Une autre anecdote, rapportée cette fois par la duchesse d’Abrantès dans ses mémoires, concerne les oreilles de la belle Pauline, que Laure Junot d'Abrantès appelle tantôt Paulette tantôt Mme Leclerc, Pauline étant alors l'épouse du général Leclerc (dont elle sera veuve en 1802, l'année de ses vingt-deux ans).

Lire ici, l'épisode amusant des "Mémoires de Madame la Duchesse d'Abrantés" dans lequel la duchesse décrit les oreilles de Pauline moquées par Mme de Contades comme étant « un morceau de cartilage blanc, mince, tout uni et sans être aucunement ourlé» en complète disparité avec la beauté de son visage. La moqueuse dont parle la duchesse était née Mérote de Bouillé, sa moquerie ne lui a pas porté chance, Mérote étant décédée fort jeune à seulement vingt-sept ans.

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Pour terminer en beauté cette petite histoire de la transparence en matière de vêtements féminins, voici le portrait d'une jeune inconnue dont le décolleté translucide laisse apparaître une bien jolie poitrine.

Portrait de femme
Jean-Urbain Guérin (1760-1836)
Musée du Louvre (notice)

Tout comme celui de Juliette Récamier (vu plus haut) le portrait ci-dessus est une miniature peinte sur ivoire. Son modèle ressemble étrangement au portrait que le peintre René Théodore Berthon fit de Pascale Hosten, la très belle épouse du comte d'Arjuzon, premier chambellan de Louis Bonaparte. La comtesse d'Arjuzon fut un temps dame de compagnie d'Hortense de Beauharnais.

Madame d'Arjuzon, née Pascale Hosten
René Théodore Berthon (1776-1859)
collection privée



Comme annoncé d'entrée de jeu, le présent billet prélude à l'histoire d'une femme ravissante qui vécut au dix-neuvième siècle et dont les aventures seront contées ultérieurement dans ce grenier. Certain(e)s d'entre vous m'ont fait part de leur hâte à connaître l'identité de cette mystérieuse beauté. Cependant, les péripéties de sa vie sont si foisonnantes que j'ai du me résoudre à traiter les sujets annexes par des billets préliminaires. Je vous prie de bien vouloir excuser cet intolérable suspense et je vous assure que votre patience sera grandement récompensée.



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

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