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Channel: échos de mon grenier
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Songe d'une nuit d'été

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Midsummer Eve (détail)



Lorsque j'y repense, l'aventure incroyable qui m'est arrivée le 26 juin dernier m'apparaît aujourd'hui comme un rêve plus ou moins magique. Bien qu'à certains moments, il fut quelque peu stressant, voire cauchemardesque. "A Midsummer Night's Dream" qui aurait pu tourner au drame...



Sur mon balcon, vers 22:10
Venue sur le balcon pour photographier un joli nuage rose repéré depuis le fénestron de ma salle de bain, mon attention est attirée par le manège d'une personne qui, depuis la rue, se penche par dessus le mur de la résidence qui ferme le fond du parking des visiteurs. Cette dame se déplace d'un côté et de l'autre pour observer quelque chose en contre bas.

C'est alors que je découvre une chose incroyable. Je vois une cane, suivie de ses canetons, traversant le haut du parking comme si elle venait de la résidence voisine. Ce qui est totalement  impossible vu qu'un grillage sépare les deux résidences !... D'où vient-elle donc  ? et que fait-elle là ???



Cheminement de la cane à son arrivée dans la résidence



Du coup, je file m'habiller décemment et j’avertis mon mari que je vais descendre sur le parking, voir ce qui se passe et prendre des photos de la cane avec ses canetons.

En bas à 22:21
Arrivée dehors, je contourne mon bâtiment et je m'engage sur la montée qui mène au parking visiteurs. C'est alors que je vois la cane et ses petits en train de descendre vers moi. Je m'arrête et prends rapidement deux photos du cortège qui s'approche et qui, me voyant immobile, passe tranquillement à mes pieds pour continuer sa marche vers le bas.



Le cortège de la cane, 1ère photo



Après deux autres clichés pris au vol, je range vite mon appareil et je suis la cane qui se dirige vers un angle du parking résidents où je suppose qu'il y a un passage dans la clôture. Mais arrivée à cet endroit, je ne vois aucun passage. Et pendant ce temps, la cane continue à marcher suivie de sa progéniture. Elle se dirige maintenant vers le bas du parking.



Aucune issue à l'angle du parking des résidents



Je file à sa poursuite et j'essaie de doubler son cortège pour me mettre en travers de son chemin, car il se dirige vers la sortie de la résidence, qui donne directement sur une route à grande circulation où il se ferait inévitablement écraser.

Soudain, un chien débouche en courant d'entre les bâtiments de droite et se rue comme un fou vers la cane et ses petits. Je crie à plusieurs reprises et fait de grands gestes pour le faire déguerpir, car il a bien failli gober un caneton au passage. Grâce au ciel, il continue sa course sans faire de dégâts autre que la panique qu'il a semé et il disparait dans une petite allée rejoignant l'endroit d'où il est venu. Mais quelle peur j'ai eue !



Situation de l'endroit où le chien à attaqué. Imaginez la scène de nuit...



Des gens sur leur balcon, alertés par mes cris, me demandent ce qui se passe. Je leur explique la situation en quelque mots, tout en me dirigeant vers la cane qui, en allant vers le garage de mon bâtiment, est encore en train de prendre une mauvaise direction.

Comme je l'ai remarqué depuis le début de notre rencontre, elle n'a pas peur de moi. Mais elle maintient une certaine distance entre nous, sûrement par crainte de se faire capturer, elle ou l'un de ses petits.

Je pense aussi qu'en me voyant chasser le chien, qui a failli tuer un de ses canetons et qui l'a menacée au passage, elle a sans doute compris que je ne lui veux que du bien.



Le cortège de la cane, 2e photo



En lui parlant et en lui montrant du doigt la direction à suivre je réussi, à force de beaucoup de patience en la faisant avancer mètre par mètre, à la diriger dans la voie qui la ramènera au parking visiteurs.

J'ai l'intention de la ramener vers l'endroit où elle est apparue dans la résidence, le parking réservé aux visiteurs délimité au fond par le mur de la rue et à droite par un grillage qui sépare notre résidence de celle d'à côté, en espérant trouver l'orifice par lequel elle et ses canetons ont traversé le grillage.

Dans la résidence voisine, je sais qu'il y a une source qui coule dans un assez grand bassin se déversant dans un petit ruisseau. C'est sans doute en venant de là que la cane et ses petits sont arrivés dans notre résidence. Un jour, il y a quelques temps, j'ai vu un chien passer par un trou de ce grillage et je pense la ramener à ce trou en espérant pouvoir la faire repasser, elle et ses canetons à la queue leu-leu, par la brèche en question.

Mais une fois sur place, rien ne se passe comme prévu. J'ai beau inspecter toute la zone du grillage où je pensais trouver un passage, je n'en vois aucun. La personne qui s'occupe de la résidence aura sans doute réparé le grillage. Et pendant ce temps, la cane fait des va et vient en cancanant nerveusement, comme si elle cherchait elle aussi une issue sans la trouver.



Le cortège de la cane, 3e photo



C'est à ce moment que j'aperçois un chat en train de s'approcher des canetons !Là, je comprends que je ne vais plus pouvoir faire face à la situation toute seule. D'autant plus que deux canetons sont désormais prisonniers sous la grille du collecteur d'eaux pluviales qui traverse l'entrée de ce parking et dans lequel il sont tombés en passant sur la grille dont les interstices sont aussi larges qu'eux.

Il ne me reste plus qu'à appeler à l'aide. À l'endroit où je suis, une haie et un grand pin me masquent en grande partie cette façade du bâtiment où se trouvent toutes les loggias. Mais vu la température estivale, toutes les fenêtres sont ouvertes et sans doute quelques personnes sont à leur balcon. Je me mets donc à crier pour alerter les gens, en appelant tout d'abord le prénom de mon mari.

N'obtenant pas de réponse (il est sûrement en train de regarder un film avec le casque audio sur les oreilles) je crie alors à la cantonade "Qui peut venir m'aider ?..". Une voix de femme ne tarde pas à me répondre en demandant ce qui se passe. Je lui dis que je suis en train d'essayer de protéger une cane et ses petits perdus sur le parking, que les chats les menacent (maintenant il y en a deux !) et qu'en plus il y a deux ou trois canetons qui sont tombés dans le collecteur. Elle me dit alors "Tenez bon, on arrive".



Les deux chats des voisines du 1er étage



Quelques minutes plus tard, je vois effectivement arriver la voisine du 1er, c'est la dame qui m'a répondu. Elle est venue avec sa grande fille, une adolescente. Elles sont accompagnées du voisin du 8e (que je connais bien vu qu'il nous arrive assez souvent de nous trouver dans l'ascenseur avec lui) et d'un grand jeune homme à l'accent d'Europe de l'Est, que j'ai sans doute croisé une fois ou deux, mais que je ne connais pas vraiment, sans doute est-il le récent locataire du 3e. Il a du, lui aussi, entendre mes cris et il est venu spontanément nous prêter main forte.

Brève concertation avec ces personnes, durant laquelle j'expose la situation et récapitule le problème.
D'une part, la cane a sept canetons. J'ai réussi à en sauver deux avant qu'ils ne glissent totalement dans le collecteur, en les tirant par quelques poils de leur duvet, et je les ai placés à l'abri dans le bas de ma longue tunique que je tiens replié contre moi. Heureusement que j'avais pensé à enfiler un caleçon avant de descendre de chez moi ! Et il y en a deux qui sont toujours auprès de la cane et qui ne la lâche pas d'une patte. Donc, il y a trois canetons prisonniers sous la grille.

D'autre part, si on ignore comment la cane et ses sept petits sont arrivés dans notre résidence, par contre il me semble évident qu'ils ne peuvent venir que de la résidence voisine et que la meilleure chose à faire est de les y ramener.

Dans cette optique, je vais jusqu'au grillage et j'introduis un des deux canetons, toujours captifs du bas de ma tunique repliée, à travers un des trous. Ce qui a pour résultat de le voir retraverser immédiatement le grillage dans l'intention d'aller rejoindre sa mère. Mais je l'intercepte au passage et le replace avec son frère dans la bas de ma tunique. Démonstration concluante ! il va falloir envisager une autre solution. La seule qui s'offre à nous est de capturer tous les petits, ainsi que leur mère, pour les transporter en voiture dans la résidence voisine.. ou ailleurs près d'une pièce d'eau.

Première des choses à faire : récupérer ceux qui sont tombés dans le collecteur. Après que les deux hommes ont tentés sans succès de soulever à mains nues un des tronçons de la grille en fonte, le voisin du 8e retourne chez lui chercher une barre de fer pour faire levier. Tandis que celui du 3e part chercher une lampe électrique pour aider à localiser les canetons parmi les feuilles mortes accumulées au fond du collecteur.



Le collecteur du ruissellement d'eau pluviale, véritable piège à canetons



Pendant ce temps, la voisine, sa fille et moi, nous continuons à éloigner les deux chats, toujours aux aguets à courte distance des canetons. Les hommes reviennent rapidement avec leur matériel. Mais une fois que deux portions de la grille sont soulevées et posées sur le sol, puis que les canetons sont repérés, la question se pose de savoir quoi faire de ces oisillons en perdition. On ne peut pas les reposer sur le sol au risque qu'ils aillent retomber dans le collecteur. C'est alors que la dame du 1er envoie sa fille chercher un carton dans leur appartement.

Vu qu'elles habitent au premier étage, la fille est vite de retour. Elle nous amène un carton assez large, pas très haut, mais d'une hauteur tout de même suffisante pour que les canetons ne puissent pas en sortir en sautant, comme essaient déjà de le faire les deux que je viens de libérer de ma robe pour les y placer.

Futée, la fille a pensé à disposer une grand serviette au fond du carton pour le rendre plus confortable. Une fois que les hommes ont sortis du collecteur les trois canetons qui s'y trouvaient prisonniers et qu'ils ont rejoint leur frères (ou sœurs) dans le carton, il nous reste à attraper les deux qui sont toujours auprès de la cane qui, totalement désemparée, fait des va et vient entre nous, pas disposée du tout à se laisser capturer.

La voisine et sa fille, rivalisant de rapidité, réussissent à attraper les deux canetons restants et à les fourrer dans le carton, que je maintiens à demi fermé pour les empêcher de s'échapper. Ensuite, le voisin du 8e fait judicieusement remarquer que pour attraper la cane il vaudrait sans doute mieux mettre des gants de protection. Je propose d'apporter mes gants de ménage, je passe le carton à la voisine et je file à l'appartement pour aller les chercher.

Un fois de retour et le voisin munis de mes gants verts, tel un chirurgien s’apprêtant à effectuer une opération délicate ! tout le monde s'approche de la cane dans le but de l'encercler. Au bout de quelques essais infructueux, la cane nous filant entre les jambes ou bien s'envolant pour atterrir un peu plus loin, nos esprit se concertent. L'un de nous (je ne sais plus qui, peut-être moi après tout...) lance l'idée de se munir d'une couverture pas trop lourde, mais assez grande pour s'en servir comme d'un filet. La voisine pense avoir ce qu'il faut et envoie sa fille le chercher dans leur appartement.

À son retour, elle ramène un grand plaid rose à l'aspect pelucheux. Il me semble suffisamment souple pour servir de filet et immobiliser la cane. Le jeune homme de l'Est étant le plus grand de nous cinq, c'est lui qui est tout désigné pour tenter le premier lancer... qui se solde par un échec, la cane s'étant une fois de plus envolée !



Le cortège de la cane, 4e et dernière photo



Finalement, au bout de quelques autres essais tout aussi infructueux, le jeune home réussi à capturer la cane et à l'enrouler dans le plaid. Il ne nous reste plus alors qu'à unir nos efforts pour maintenir le carton suffisamment ouvert afin de glisser la cane à l'intérieur sans libérer ses canetons, et à retirer doucement le plaid une fois l'opération réussie. Après quoi, je referme le carton en croisant les rabats de manière à ce qu'il tienne bien fermé. Coup de chance, il reste un espace libre au centre des rabats. Trop petit pour l'évasion d'un caneton, mais suffisant pour laisser passer l'air et ainsi éviter l'asphyxie de la petite famille coincoin enfin réunie.

Il ne nous reste plus qu'à décider où ce colis va être envoyé. Compte tenu qu'il est hors de question de faire le trajet à pied, ni même en voiture, vu le long chemin à parcourir jusqu'à l'entrée de la résidence voisine, le voisin du 8e n'est pas d'avis d'aller l'y déposer. D'autant plus que personne ne sait avec certitude si c'est bien de là qu'est venue la cane, ou si ce ne serait pas plutôt de la grande résidence avec laquelle elle communique et qui possède un petit lac sur le parcours du ruisseau qui la traverse...






Résultat des délibérations, c'est vers l'un des étangs d'une commune limitrophe qu'il connait bien, que le voisin du 8e se propose de guider la voisine et sa fille. Elles vont faire le trajet dans leur voiture stationnée sur le parking extérieur des résidents. Voiture dans laquelle j'ai déposé le carton et son précieux contenu après l'avoir transporté et qui n'attend plus pour démarrer que le voisin du 8e, parti chez lui prendre ses papiers, redescende.

Ni moi ni le jeune homme, ayant brillamment réussi la capture de la cane après avoir donné un sérieux coup de main au voisin du 8e pour soulever les grilles du collecteur où les canetons étaient tombés tels des malheureux dans un cul de basse-fosse, ne sommes du voyage. Il est tard. Lui est déjà remonté chez lui, dormir du sommeil du juste une fois sa bonne action accomplie. Et moi aussi je suis remontée chez moi, afin d'informer mon époux de l'heureuse issue de mon aventure

Ensuite, je suis redescendue m'asseoir sur le banc placé à côté de l'entrée de mon bâtiment pour attendre le retour de l'expédition. Je n'y était pas depuis cinq minutes que je vois la voiture de la voisine du 1er revenir. Une fois qu'elle et sa fille ainsi que le voisin qui leur a servi de guide sont descendus, je m'avance vers eux pour savoir comment s'est déroulé l'opération.

Tout s'est bien passé m'ont-ils dit. Une fois le carton ouvert après l'avoir déposé au bord du lac, la cane s'est empressée de s'envoler pour se jeter aussitôt à l'eau. Et ses canetons, libérés du carton penché vers l'herbe pour qu'ils puissent sortir, se sont empressés d'aller la rejoindre.

Il est à présent minuit, c'est l'heure de se dire bonne nuit et et de rentrer chacun de chez soi.


Épilogue
Sans mes voisins, je n'aurais rien pu faire pour sauver la cane et ses sept petits. Et j'aurais été au désespoir de voir ces adorables bestioles périr sous la dent d'un chat, ou rester  prisonnières de la grille du collecteur d'eaux de pluie. Je les ai donc chaleureusement remercié par mail en leur envoyant mes quelques photos du cortège cancanant.

Cette histoire n'a pas quitté ma mémoire durant plusieurs jours. Je me demandais avec inquiétude si la cane et ses sept rejetons s'étaient bien adaptés à leur nouvel environnement. Le vendredi suivant mon mari et moi sommes allés faire le tour du lac où ils ont été nuitamment déposés cinq jour auparavant mais nous en avons vu aucune trace.

Par contre, j'ai découvert à cet endroit un couple de canards bien jolis dont j'ignorais la race. En cherchant sur internet, j'ai eu un peu de mal à les identifier mais j'ai fini par trouver. Ce sont des Tadornes du Cap ou Tadornes à tête grise :






Quant à ce qu'il est advenu de la cane et de ses sept canetons, parmi les promeneurs que j'ai interrogés lors de notre promenade, une dame m'a dit que ce lac communique avec un autre par un bras d'eau assez long. Auraient-ils pris ce chemin ?... Où qu'ils soient, j'espère que tout va bien pour eux et qu'ils ne leur ait rien arrivé de fâcheux. Ce serait dommage de s'être donné tant de mal pour leur éviter tous les dangers qui les menaçaient.

Quoi qu'il en soit, je préfère les imaginer aussi heureux et en sécurité que la cane que j'ai photographiée au bord du lac de Pierrefonds en 2012 :



Pierrefonds, 16 Juillet 2012






©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2017

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