La Peinture comme Art de Vivre
August Macke
sa vie, son œuvre
(suite)
August Macke
sa vie, son œuvre
(suite)
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Stillleben mit Strauß und Buddha (Nature morte avec fleurs et Bouddha) August Macke - 1911 August Macke Haus, Bonn |
Dans le billet précédent, nous avons laissé August Macke et sa petite famille en train de faire leurs bagages pour venir s'installer à Bonn.
Pour un jeune artiste peintre obligé de gagner sa vie et de faire vivre sa petite famille en vendant ses œuvres, résider à la campagne à longueur l'année n'est pas recommandé. C'est ainsi qu'après y avoir séjourné toute une année, August Macke et son épouse Elisabeth, accompagnés de leur jeune fils Walter, quittent les rives du Tegernsee pour celles du Rhin.
Les relations professionnelles indispensables à la poursuite de sa carrière lui imposant de demeurer en ville, c'est donc à Bonn (où vit la famille d'Elisabeth) qu'à partir de Novembre 1910August Macke va résider.
Dans un premier temps, le couple habite avec Sophie Gerhardt dans la maison parentale d'Elisabeth, en attendant que les travaux de réfection de la maison voisine sur la Bornheimer Straße (maison qui a servi d'annexe à la société de Carl Gerhardt) soit totalement rénovée et aménagée en habitation.
La belle dame à la coupe de fleurs et les natures mortes, ci-dessus et ci-dessous, correspondent peut-être à la période allant de Novembre 1910 à Février 1911, trois mois durant lesquels Macke a sans doute dû se contenter de peindre des toiles de petits formats dans l'une des pièces de la maison de la mère d'Elisabeth, pas spécialement adaptée à un tel usage.
En février 1911, la petite famille s'installe dans la maison de la Bornheimer Straße, voisine de celle des parents d'Elisabeth (cliquer pour voir la maison et se promener dans le quartier).
August Macke peut enfin commencer à peindre dans un véritable atelier. C'est là que vont naître les quelques quatre cents tableaux qu'il a peints entre Février 1911 et Août 1914.
Aménagé sur toute la surface de l'ancien grenier de la maison, l'atelier a été pourvu de grande baies vitrées sur trois côtés. C'est depuis ses fenêtres que Macke a représentée à plusieurs reprises la Marienkirche.
De style néogothique, l'église Ste Marie est entourée d'habitations. Elle se trouve à proximité de l'ancienne brasserieKurfürsten-Bräu AG (aujourd'hui désaffectée) dont la haute cheminée (à voir ici) pourrait être celle qui apparait sur les tableaux ci-dessus et ci-dessous.
Mais, à moins qu'il s'agisse d'une liberté d'artiste, l'ancienne brasserie est trop éloignée de l'église pour que sa cheminée soit située entre l'église et la maison de Macke. C'est donc probablement une autre cheminée, aujourd'hui disparue, qui figure sur ces deux représentations de la Marienkirche.
Après la neige du mois de Février 1911, tombée sur Bonn au moment de l'emménagement des Macke dans leur nouvelle maison, fidèle à lui même, August continue à peindre le cours des saisons en se penchant sur l'éclosion du printemps dans leur jardin .
Ci-dessus la maison des Macke est cachée par les arbres. Les bâtiments que nous voyons sur la droite sont les anciens locaux de l'entreprise C. Gerhardt. Cliquer ici pour voir ces bâtiments de nos jours, bâtiments qui comprenaient l'habitation des parents d'Elisabeth.
Cliquer ici pour voir C. Gerhardt, nom de l'entreprise qui demeure inscrit en grosses lettres sur le côté du dernier bâtiment.
Lire ici l'articleQuand la technique rencontre la nature et l'art sur le site actuel de l'entreprise.
Quant à la maison couleur brique, tout au fond du tableau, c'est celle qui se trouve de l'autre côté de la Bornheimer Straße.
Le printemps est arrivé. Le 13 Avril 1911 le petit Walter a soufflé sa première bougie. À présent l'été s'annonce, il fait déjà chaud et les stores de l'entreprise du grand-père de Walter sont baissés.
Elisabeth jardine les bras nus, un œil sur son enfant qui marche déjà comme un grand, mais qui, comme tous les enfants de cet âge, nécessite une vigilance de chaque instant.
Là c'est vraiment l'été. Wolf, le chien de la maison, a trop chaud. Il s'est couché à l'ombre, le ventre au frais sur le gazon, tandis qu'Elisabeth se penche tendrement vers le petit Walter pour lui faire respirer une fleur.
Il fait si chaud en cet été 1911, qu'en remontant du jardin, Elisabeth a mis Walterà dormir dans la pièce la plus fraîche de la maison. Puis elle est allée prendre une bonne douche rafraîchissante et, sans même se rhabiller, elle est montée à l'atelier, car August lui a proposé le matin même de poser pour un portrait de dos.
Cette Femme au jardin ci-dessus, m'a beaucoup intriguée. Il y a de grande chance pour que ce soit Elisabeth.
Je me suis demandée où peut bien se trouver ce jardin. Vu les montagnes, il ne peut pas s'agir de celui des Macke à Bonn. Alors je pense que c'est peut-être celui d'Ottilie, la sœur aînée d'August qui vit à Kandern depuis qu'elle a épousé le patron de l'Auberge de la Couronne (Gasthauses Krone).
Il se peut que ce soit en raison de la terrible canicule de l'été 1911 que les Macke sont allés séjourner à Kandern cet année -là, pensant y trouver un peu de fraîcheur... Ou bien, c'était tout simplement pour présenter le petit Walterà sa tante Ottilie.
Après Kandern, où la petite famille Macke n'avait sans doute pas trouvé assez de fraîcheur, c'est sur les bords du lac de Thoune qu'ils sont allés en chercher davantage.
Depuis qu'August Macke s'est installé à Bonn, il ne reste pas en permanence dans son grenier atelier. Il multiplie les contacts afin de se faire un nom parmi les peintres rhénans. De Bonn à Cologne, il se déplace pour rencontrer les conservateurs des musées, les directeurs de galeries et autres personnalités du monde artistique et littéraire.
Macke fait la connaissance deMax Ernst, qui suit les cours de philosophie à l'université de Bonn et se lie d'amitié avec lui. Autre étudiant ami de MackePaul Adolf Seehaus, un jeune peintre natif de Bonn qui étudie l'histoire de l'Art et qui va devenir son élève (à titre gracieux).
Par ailleurs, Macke se lie d'amitié avec l'écrivain Erich August Greeven (1880-1966) dont il nous a laissé un beau portrait.
Il y a souvent du monde dans l'atelier d'August et le couple reçoit beaucoup d'amis.
De la salle à manger...
au salon...
...les visiteurs se succèdent.
Entre correspondance et invitations, Elisabeth ne chôme guère.
Depuis leur rencontre à Munich et la consolidation de leur amitié à Tegernsee, August Mackeet Franz Marc sont restés constamment en contact. Oralement ou par courrier, ils échangent leurs impressions sur la théorie des couleurs et les relations entre la peinture et la musique.
Des échanges qui découlent de la sympathie grandissante de Marc pourles idées de Kandinsky, après qu'ils aient fait connaissance lors de l'exposition de la Nouvelle Association des artistes munichois (NKVM) en septembre 1910 (voir billet précédent).
Avec ces Champs potagers (peut-être peints à Kandern) on voit nettement qu'en cette année 1911 la peinture d'August Mack prend un nouveau virage, déjà amorcé en début d'année avec ses vues de la Marienkirche et celles de ses jardins.
Les teintes automnales semblent indiquer que ce nouveau portrait d'Elisabeth pourrait bien avoir été peint à la fin de l'été caniculaire de 1911. Un portrait qui montre clairement que le style de Macke est en pleine évolution.
Dans le même temps, à Munich les choses bouillonnent et les membres de la Nouvelle Association des artistes Munichois étant en désaccord, Franz Marc et son ami Kandinsky (qui habitent durant l'été des villages voisins en Haute-Bavière) sont en train de mijoter le manifeste d'un nouveau courant artistique qu'ils vont de baptiser Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu).
Le Cavalier Bleu a tout d'abord été le titre d'un recueil sur les tendances nouvelles de la peinture. Conçu comme un album commun portant un « regard comparatif historique et artistique sur tous les genres, époques et peuples», l'ouvrage est un manifeste pour la naissance d'un art nouveau basé sur les sources élémentaires de l'inspiration créatrice.
À la demande de Franz Marc, à l'automne 1911 Macke se rend à Munich, où demeure son ami, pour collaborer à la rédaction de l'Almanach du Cavalier Bleu. C'est avec un texte sur les masques des peuples primitifs qu'il apporte sa pierre à l'ouvrage.
Franz Marc habite à l'année à Sindelsdorfen Haute-Bavière. À la belle saison, Kandinsky qui le reste du temps demeure à Munich, vient chez Gabriele Münterà Murnau am Staffelsee, un village pas très éloigné de Sindelsdorf, ainsi les deux amis se voit souvent. Franz Marc a surnommé sa région, Le Pays Bleu.
C'est certainement lors de son séjour à Sindelsdorf et à Murnau, pour collaborer à la rédaction du premier Almanach du Cavalier Bleu, que Macke a peint ses Géraniums devant la Montagne Bleue.
La Montagne Bleue (Der blaue Berg) est aussi un tableau de Kandinsky, peint à Murnau vers 1909, quand il n'avait pas encore totalement négocié son virage vers l'abstraction. La notice de la Solomon R. Guggenheim Foundation, où est conservée Der blaue Berg, donne une explication des plus intéressante sur le thème récurrent du Cavalier dans la peinture de Kandinskyà cette époque et se son rapport avec le Cavalier Bleu.
Les Indiens ci-dessus, montrent l'influence discrète du style de Kandinsky sur celui d'August Mackeà la fin de l'année 1911, tout en évoquant la peinture de Gauguin.
Ces Indiens à Cheval accompagnent trois autre tableaux de Macke, dont la Lautenspielerin (la Joueuse de luth vue dans le billet précédent) et La Tempête ci-dessous, envoyés à Münich pour participer à la première exposition du Cavalier Bleu.
En dehors de ses peintures dans le style de Delaunay, La Tempête est sans doute le tableau d'August Macke le plus "abstrait". Il a été peint dans l'atelier de Franz Marc pendant le séjour de Macke à Sindelsdorf . Malgré la relative abstraction de cette œuvre, on peut cependant reconnaître dans paysage quasi désertique où trois arbres sont inclinés à 45 degrés, une sorte de grand vautour blanc au-dessus d'une tornade bleue qui figurent le déchaînement des éléments.
Certains artistes ayant refusé de suivre Kandinsky dans son cheminement vers l'abstraction, cette profonde divergence provoque la scission de la NKVM. À l'initiative de Kandinsky, de Franz Marc et de quelques autres de leurs amis dont Paul Klee (qui a récemment fait la connaissance d'August Macke) Le Cavalier Bleu voit le jour prématurément, poussé par l'urgence de l'exposition prévue à Münich en décembre 1911.
En quelle saison de 1911 les Trois filles dans une barque ci-dessus ont-elles été peintes ? Je me demande si cette image paradisiaque n'est pas en rapport avec la méchante canicule de l'été 1911... Quoi qu"il en soit, elle aussi porte la trace de l'influence de Kandinsky.
Pas sûr que l'Image du Cirque ci-dessus date de la fin de l'année 1911. Néanmoins il me plaît d'imaginer qu'à l'approche des fêtes de fin d'année, August et Elisabeth ont emmené au cirque leur petit Walter qui a eu vingt mois le 13 décembre.
Ainsi se termine le troisième volet de ma "petite" biographie illustrée d'August Macke. Dans le quatrième nous verrons qu'à partir de 1912 le style de sa peinture continue de progresser sur des chemins inattendus.
Pour un jeune artiste peintre obligé de gagner sa vie et de faire vivre sa petite famille en vendant ses œuvres, résider à la campagne à longueur l'année n'est pas recommandé. C'est ainsi qu'après y avoir séjourné toute une année, August Macke et son épouse Elisabeth, accompagnés de leur jeune fils Walter, quittent les rives du Tegernsee pour celles du Rhin.
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Flußlandschaft mit Angler (Paysage fluvial avec un pêcheur) Auguste Macke - 1911 Städtische Galerie im Lenbachhaus, Münich |
Les relations professionnelles indispensables à la poursuite de sa carrière lui imposant de demeurer en ville, c'est donc à Bonn (où vit la famille d'Elisabeth) qu'à partir de Novembre 1910August Macke va résider.
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Zwei Frauen am Tisch - Elisabeth und Sophie Gerhardt Deux femmes à une table - Elisabeth et Sophie Gerhardt Auguste Macke - 1910 collection privée |
Dans un premier temps, le couple habite avec Sophie Gerhardt dans la maison parentale d'Elisabeth, en attendant que les travaux de réfection de la maison voisine sur la Bornheimer Straße (maison qui a servi d'annexe à la société de Carl Gerhardt) soit totalement rénovée et aménagée en habitation.
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Frau, eine Blumenschale tragend (Femme portant un bol de fleurs) Auguste Macke - 1910 Collection Ziegler, Kunstmuseum, Mülheim an der Ruhr |
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Stillleben mit Katze (Nature morte avec chat) Auguste Macke - 1910 Städtische Galerie im Lenbachhaus - Munich |
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Stillleben Hyazinthenteppich (Nature morte jacinthe et tapis) Auguste Macke - 1910 collection privée |
La belle dame à la coupe de fleurs et les natures mortes, ci-dessus et ci-dessous, correspondent peut-être à la période allant de Novembre 1910 à Février 1911, trois mois durant lesquels Macke a sans doute dû se contenter de peindre des toiles de petits formats dans l'une des pièces de la maison de la mère d'Elisabeth, pas spécialement adaptée à un tel usage.
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Stillleben mit Palme (Nature morte avec palmier) Auguste Macke - 1910 Kunsthandlung Wolff, Münich |
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Weißer Krug mit Blumen und Früchten (Pichet blanc avec fleurs et fruits) Auguste Macke - 1910 Franz Marc Museum, Kochel am See |
En février 1911, la petite famille s'installe dans la maison de la Bornheimer Straße, voisine de celle des parents d'Elisabeth (cliquer pour voir la maison et se promener dans le quartier).
August Macke peut enfin commencer à peindre dans un véritable atelier. C'est là que vont naître les quelques quatre cents tableaux qu'il a peints entre Février 1911 et Août 1914.
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Marienkirche (Église Ste-Marie) Auguste Macke - 1911 Collection privée (notice de Christie's) |
Aménagé sur toute la surface de l'ancien grenier de la maison, l'atelier a été pourvu de grande baies vitrées sur trois côtés. C'est depuis ses fenêtres que Macke a représentée à plusieurs reprises la Marienkirche.
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Marienkirche mit Häusern und Schornstein(Église Ste Marie avec maisons et cheminée) Auguste Macke - 1911 Städtisches Kunstmuseum, Bonn |
De style néogothique, l'église Ste Marie est entourée d'habitations. Elle se trouve à proximité de l'ancienne brasserieKurfürsten-Bräu AG (aujourd'hui désaffectée) dont la haute cheminée (à voir ici) pourrait être celle qui apparait sur les tableaux ci-dessus et ci-dessous.
Mais, à moins qu'il s'agisse d'une liberté d'artiste, l'ancienne brasserie est trop éloignée de l'église pour que sa cheminée soit située entre l'église et la maison de Macke. C'est donc probablement une autre cheminée, aujourd'hui disparue, qui figure sur ces deux représentations de la Marienkirche.
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Marienkirche im Schnee (Église Ste-Marie dans la neige) Auguste Macke - 1911 Kunsthalle, Hambourg |
Après la neige du mois de Février 1911, tombée sur Bonn au moment de l'emménagement des Macke dans leur nouvelle maison, fidèle à lui même, August continue à peindre le cours des saisons en se penchant sur l'éclosion du printemps dans leur jardin .
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Unser Garten mit blühenden Rabatten (Notre jardin avec la plate-bande en fleurs) Auguste Macke - 1911 Kunsthalle, Hambourg |
Ci-dessus la maison des Macke est cachée par les arbres. Les bâtiments que nous voyons sur la droite sont les anciens locaux de l'entreprise C. Gerhardt. Cliquer ici pour voir ces bâtiments de nos jours, bâtiments qui comprenaient l'habitation des parents d'Elisabeth.
Cliquer ici pour voir C. Gerhardt, nom de l'entreprise qui demeure inscrit en grosses lettres sur le côté du dernier bâtiment.
Lire ici l'articleQuand la technique rencontre la nature et l'art sur le site actuel de l'entreprise.
Quant à la maison couleur brique, tout au fond du tableau, c'est celle qui se trouve de l'autre côté de la Bornheimer Straße.
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Der Macke’sche Garten in Bonn (Le jardin des Macke à Bonn) Auguste Macke - 1911 Westdeutsche Landesbank Girozentrale Düsseldorf, Münster |
Le printemps est arrivé. Le 13 Avril 1911 le petit Walter a soufflé sa première bougie. À présent l'été s'annonce, il fait déjà chaud et les stores de l'entreprise du grand-père de Walter sont baissés.
Elisabeth jardine les bras nus, un œil sur son enfant qui marche déjà comme un grand, mais qui, comme tous les enfants de cet âge, nécessite une vigilance de chaque instant.
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Elisabeth und Walterchen mit Wolf (Elisabeth et Walter avec Wolf) Auguste Macke - 1911 Westdeutsche Landesbank Girozentrale Düsseldorf, Münster |
Là c'est vraiment l'été. Wolf, le chien de la maison, a trop chaud. Il s'est couché à l'ombre, le ventre au frais sur le gazon, tandis qu'Elisabeth se penche tendrement vers le petit Walter pour lui faire respirer une fleur.
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Sitzender Akt mit Kissen (Nu assis aux coussins) August Macke - 1911 Wilhelm Lehmbruck Museum, Duisburg |
Il fait si chaud en cet été 1911, qu'en remontant du jardin, Elisabeth a mis Walterà dormir dans la pièce la plus fraîche de la maison. Puis elle est allée prendre une bonne douche rafraîchissante et, sans même se rhabiller, elle est montée à l'atelier, car August lui a proposé le matin même de poser pour un portrait de dos.
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Frau im Garten (Femme au jardin) August Macke - 1911 Collection privée |
Cette Femme au jardin ci-dessus, m'a beaucoup intriguée. Il y a de grande chance pour que ce soit Elisabeth.
Je me suis demandée où peut bien se trouver ce jardin. Vu les montagnes, il ne peut pas s'agir de celui des Macke à Bonn. Alors je pense que c'est peut-être celui d'Ottilie, la sœur aînée d'August qui vit à Kandern depuis qu'elle a épousé le patron de l'Auberge de la Couronne (Gasthauses Krone).
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Kirche in Kandern (Église à Kandern) August Macke - 1911 Collection privée |
Il se peut que ce soit en raison de la terrible canicule de l'été 1911 que les Macke sont allés séjourner à Kandern cet année -là, pensant y trouver un peu de fraîcheur... Ou bien, c'était tout simplement pour présenter le petit Walterà sa tante Ottilie.
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Straße mit Kirche in Kandern (Rue avec église à Kandern) August Macke - 1911 Museum für Neue Kunst, Fribourg-en-Brisgau |
Après Kandern, où la petite famille Macke n'avait sans doute pas trouvé assez de fraîcheur, c'est sur les bords du lac de Thoune qu'ils sont allés en chercher davantage.
Depuis qu'August Macke s'est installé à Bonn, il ne reste pas en permanence dans son grenier atelier. Il multiplie les contacts afin de se faire un nom parmi les peintres rhénans. De Bonn à Cologne, il se déplace pour rencontrer les conservateurs des musées, les directeurs de galeries et autres personnalités du monde artistique et littéraire.
Macke fait la connaissance deMax Ernst, qui suit les cours de philosophie à l'université de Bonn et se lie d'amitié avec lui. Autre étudiant ami de MackePaul Adolf Seehaus, un jeune peintre natif de Bonn qui étudie l'histoire de l'Art et qui va devenir son élève (à titre gracieux).
Par ailleurs, Macke se lie d'amitié avec l'écrivain Erich August Greeven (1880-1966) dont il nous a laissé un beau portrait.
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Porträt des Schriftstellers E.A. Greeven (Portrait de l'écrivain E.A. Greeven) Auguste Macke - 1911 Kunstmuseum, Bonn |
Il y a souvent du monde dans l'atelier d'August et le couple reçoit beaucoup d'amis.
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Stillleben mit Sonnenblumen (Nature morte avec tournesols) August Macke - 1911 Collection privée |
De la salle à manger...
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Stillleben mit Hirschkissen und Strauß (Nature morte avec cerfs sur coussin et bouquet) August Macke - 1911 Museum für Kunst und Kulturgeschichte, Lübeck |
au salon...
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Zwei Schwestern (Deux sœurs) August Macke - 1911 Lehmbruck Museum, Duisburg (crédit) |
...les visiteurs se succèdent.
Entre correspondance et invitations, Elisabeth ne chôme guère.
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Elisabeth am Schreibtisch (Elisabeth au bureau) August Macke - 1911 Museum Pfalzgalerie, Kaiserslautern |
Depuis leur rencontre à Munich et la consolidation de leur amitié à Tegernsee, August Mackeet Franz Marc sont restés constamment en contact. Oralement ou par courrier, ils échangent leurs impressions sur la théorie des couleurs et les relations entre la peinture et la musique.
Des échanges qui découlent de la sympathie grandissante de Marc pourles idées de Kandinsky, après qu'ils aient fait connaissance lors de l'exposition de la Nouvelle Association des artistes munichois (NKVM) en septembre 1910 (voir billet précédent).
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Gemüsefelder (Champs potagers) August Macke - 1911 Kunstmuseum, Bonn |
Avec ces Champs potagers (peut-être peints à Kandern) on voit nettement qu'en cette année 1911 la peinture d'August Mack prend un nouveau virage, déjà amorcé en début d'année avec ses vues de la Marienkirche et celles de ses jardins.
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Frauenkopf in Orange und Braun (Portrait de Mme Macke - Tête de femme orange et marron) August Macke - vers 1911 Centre Pompidou (Beaubourg) musée d'Art Moderne, Paris (notice) |
Les teintes automnales semblent indiquer que ce nouveau portrait d'Elisabeth pourrait bien avoir été peint à la fin de l'été caniculaire de 1911. Un portrait qui montre clairement que le style de Macke est en pleine évolution.
Dans le même temps, à Munich les choses bouillonnent et les membres de la Nouvelle Association des artistes Munichois étant en désaccord, Franz Marc et son ami Kandinsky (qui habitent durant l'été des villages voisins en Haute-Bavière) sont en train de mijoter le manifeste d'un nouveau courant artistique qu'ils vont de baptiser Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu).
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Frau mit Gitarre (Femme à la guitare) August Macke - 1911 Collection privée |
Le Cavalier Bleu a tout d'abord été le titre d'un recueil sur les tendances nouvelles de la peinture. Conçu comme un album commun portant un « regard comparatif historique et artistique sur tous les genres, époques et peuples», l'ouvrage est un manifeste pour la naissance d'un art nouveau basé sur les sources élémentaires de l'inspiration créatrice.
À la demande de Franz Marc, à l'automne 1911 Macke se rend à Munich, où demeure son ami, pour collaborer à la rédaction de l'Almanach du Cavalier Bleu. C'est avec un texte sur les masques des peuples primitifs qu'il apporte sa pierre à l'ouvrage.
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Geraniums Before Blue Mountain (Géraniums devant la Montagne Bleue) August Macke - 1911 Milwaukee Art Museum, Wisconsin USA (notice) |
Franz Marc habite à l'année à Sindelsdorfen Haute-Bavière. À la belle saison, Kandinsky qui le reste du temps demeure à Munich, vient chez Gabriele Münterà Murnau am Staffelsee, un village pas très éloigné de Sindelsdorf, ainsi les deux amis se voit souvent. Franz Marc a surnommé sa région, Le Pays Bleu.
C'est certainement lors de son séjour à Sindelsdorf et à Murnau, pour collaborer à la rédaction du premier Almanach du Cavalier Bleu, que Macke a peint ses Géraniums devant la Montagne Bleue.
La Montagne Bleue (Der blaue Berg) est aussi un tableau de Kandinsky, peint à Murnau vers 1909, quand il n'avait pas encore totalement négocié son virage vers l'abstraction. La notice de la Solomon R. Guggenheim Foundation, où est conservée Der blaue Berg, donne une explication des plus intéressante sur le thème récurrent du Cavalier dans la peinture de Kandinskyà cette époque et se son rapport avec le Cavalier Bleu.
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Indianer (Indiens) August Macke - 1911 (huile sur bois) Collection privée |
Les Indiens ci-dessus, montrent l'influence discrète du style de Kandinsky sur celui d'August Mackeà la fin de l'année 1911, tout en évoquant la peinture de Gauguin.
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Indianer auf Pferden (Indiens à Cheval) August Macke - 1911 (huile sur bois) Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich |
Ces Indiens à Cheval accompagnent trois autre tableaux de Macke, dont la Lautenspielerin (la Joueuse de luth vue dans le billet précédent) et La Tempête ci-dessous, envoyés à Münich pour participer à la première exposition du Cavalier Bleu.
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Der Sturm (La Tempête) August Macke - 1911 Saarlandmuseum - Moderne Galerie, Sarrebruck |
En dehors de ses peintures dans le style de Delaunay, La Tempête est sans doute le tableau d'August Macke le plus "abstrait". Il a été peint dans l'atelier de Franz Marc pendant le séjour de Macke à Sindelsdorf . Malgré la relative abstraction de cette œuvre, on peut cependant reconnaître dans paysage quasi désertique où trois arbres sont inclinés à 45 degrés, une sorte de grand vautour blanc au-dessus d'une tornade bleue qui figurent le déchaînement des éléments.
Certains artistes ayant refusé de suivre Kandinsky dans son cheminement vers l'abstraction, cette profonde divergence provoque la scission de la NKVM. À l'initiative de Kandinsky, de Franz Marc et de quelques autres de leurs amis dont Paul Klee (qui a récemment fait la connaissance d'August Macke) Le Cavalier Bleu voit le jour prématurément, poussé par l'urgence de l'exposition prévue à Münich en décembre 1911.
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Drei Mädchen in einer Barke (Trois filles dans une barque) August Macke - 1911 Städtische Galerie Im Lenbachhaus, Munich |
En quelle saison de 1911 les Trois filles dans une barque ci-dessus ont-elles été peintes ? Je me demande si cette image paradisiaque n'est pas en rapport avec la méchante canicule de l'été 1911... Quoi qu"il en soit, elle aussi porte la trace de l'influence de Kandinsky.
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Circusbild I - Kunstreiterin mit Clowns (Écuyère avec des clowns) August Macke - 1911 LWL-Museum, Münster |
Pas sûr que l'Image du Cirque ci-dessus date de la fin de l'année 1911. Néanmoins il me plaît d'imaginer qu'à l'approche des fêtes de fin d'année, August et Elisabeth ont emmené au cirque leur petit Walter qui a eu vingt mois le 13 décembre.
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Clown in grünem Kostüm (Clown dans un costume vert) August Macke - vers 1910-11 Collection du Dr Gustav Rau, ArpMuseum, Remagen |
Ainsi se termine le troisième volet de ma "petite" biographie illustrée d'August Macke. Dans le quatrième nous verrons qu'à partir de 1912 le style de sa peinture continue de progresser sur des chemins inattendus.
Texte ©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2014