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Rencontre au coin d'un bois...

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Prom'nons-nous dans les bois
Pendant que le loup n'y est pas




Si le loup y était
Il nous mangerait,




Mais comme il n'y est pas
Il nous mang'ra pas !


La bête que nous avons rencontrée hier au détour d'un chemin, tapie au pied d'un chêne...


Loup y es-tu ?


...ce n'était pas un loup.


M'entends-tu ?


Plutôt un dragon endormi...


Que fais-tu ?


...qui, heureusement, n'a pas répondu !



Promenade dans les bois
Richard Clayderman



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Loupe y es-tu ?

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Comme suite au précédent billet, voici un animal qui ne court pas les rues, bien qu'il soit à ce que l'on dit très connu ! Je l'ai rencontré il y a quelques temps au cours d'une promenade en forêt

Cette fois-là, le loup y était...
et il était blanc !

L'animal couché au pied de ce chêne (vu dans le précédent billet) n'est finalement ni un dragon, ni une tortue. Pas un loup non plus, plutôt une loupe

Élémentaire... cher Watson !

Nul besoin d'y regarder à la loupe pour s'en assurer... c'est bien une loupe telle que celle-ci, ou encore celle-là. Les loupes sont aussi appelées broussin par les spécialistes (dont je ne fais pas partie !).


Petit message

Actuellement, ce sont les vacances pour beaucoup d'entre vous. Mais pas pour moi !  je suis très occupée à vous concocter de nouveaux billets. Entre autres, des billets en préludes à ceux de la vie d'une femme ayant vécu en France au dix-neuvième siècle et dont les portraits m'ont subjuguée. Pour ces derniers, les recherches d'images et d'informations sont fort longues. Je pense néanmoins les publier avant la fin de l'année !

Et puis, le beau temps ayant l'air de vouloir revenir sur ma contrée, je vais aussi retourner de temps en temps en forêt. Loup y es-tu ?...


Charmantes, n'est ce pas ? :)


Alors, ne vous étonnez pas si mes commentaires se font rares sur vos blogs. J'y passerai le plus souvent possible, mais n'aurai guère le temps d'y mettre mon grain de sel. Pareil ici, les billets seront plus courts qu'à l'accoutumée, simplement destinés à "meubler" mon grenier. Il y aura sans doute aussi moins d'écho à vos échos. Sachez pourtant que je prendrai le temps de les lire avec toujours autant de plaisir. Alors, surtout ne m'en privez pas !



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Dames en morose

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Souvenez-vous, l'été dernier le titre de mon billet du 21 juilletétait "L'été... quel été ?". Cette année, dans mon coin des Yvelines, c'est un peu le même scénario. En dehors des 24, 25 et 26 juillet où la température a dépassé les 30°, l'été est aux abonnés absents. Des pluies abondantes et des couleurs du ciel le plus souvent moroses...

...avec parfois un peu de rose au couchant



L'an dernier je vous avais présenté La Dame en Rose de Raoul Dufy en deux versions. Fauteuil dans le salon en 1908 et chaise longue au jardin en 1912.

La dame en rose
Raoul Dufy - 1912
Musée de Grenoble
La dame en rose
Raoul Dufy - 1908
Centre Pompidou, Paris













Aujourd'hui, voici une autre version de 1912 avec la chaise longue.

La dame en rose
Raoul Dufy - 1912
collection privée, notice


Au cas où vous n'aimriez pas le style de Raoul Dufy, en contrepoint de ses trois Dames en rose, je vous propose trois "Ladies in pink" qui datent à peu près de la même époque.

Portrait de Suzanne Hudelo
Léon-François Comerre (1850-1916)
collection privée



Portrait of Lady in Pink
Carle John Blenner (1864 – 1952)
collection privée



Afternoon In The Park
William Merritt Chase - 1890
Brooklyn Museum of Art


Toujours très occupée avec la préparation des billets annoncés précédemment, je vous demande encore un peu de patience et je vous remercie chaleureusement pour vos gentils messages qui me font grand plaisir.


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012



Merveilleuse transparence

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En prélude à un prochain billet voici, entre Révolution et Premier Empire, une brève histoire des étoffes transparentes. Un aperçu qui sera l'occasion d'aller farfouiller dans les dessous de l'Histoire en matière d'habillement ou, plus précisément, de déshabillage !

Portrait de jeune femme
Atelier de Greuze - fin XVIIIe
Musée du Louvre (notice)

En France, dès le XVIIe siècle les tissus transparents tels que la gaze furent utilisés pour confectionner certains vêtements d'intérieurs, que l'on appelait déjà "déshabillé"...

Femme de qualité en déshabillé
Estampe dessinée par Jean Dieu de Saint-Jean - 1686
cliquer sur l'image pour l'agrandir (notice de la BNF)

...ou même "déshabillé négligé" !!

Femme de qualité en déshabillé négligé
Estampe dessinée par Jean Dieu de Saint-Jean - 1693
cliquer sur l'image pour l'agrandir (notice de la BNF)


La transparence des tissus de nos déshabillés contemporains n'est pas une invention moderne. Il y a environ quatre millénaires, la mode égyptienne comportait des vêtements de lin transparents qui, avec les robes moulantes, étaient déjà très suggestifs.

La reine Bentanat et sa fille
scène de la tombe de Bentanat
d'après Karl Richard Lepsius

Le tissage aérien des fines étoffes de coton, de soie ou de lin, que ce soit celui de la gaze, du tulle ou de la mousseline, est un art originaire de l'Inde et du Moyen-Orient. La gaze tient son nom de la ville de Gaza, tandis que celui de la mousseline vient de la ville de Mossoul.

Ânkhesenamon et Toutânkhamon
détail d'une fresque de Tell El-Amarna
Ägyptisches Museum, Berlin

Dans les deux portraits ci-dessous, la reine Marie-Antoinette et sa dame de compagnie la duchesse de Polignac portent une petite robe toute simple qui, avec sa taille haute et sa teinte unie, semble annoncer la révolution de la mode vestimentaire qu'engendrera sous peu la Révolution.

Surnommées "chemises à la reine", ces robes de mousseline, blanche ou écrue, aux plis fluides et gracieux, étaient une création de Rose Bertin, la Ministre des modes de Marie-Antoinette.

Marie-Antoinette
d'après Élisabeth Vigée-LeBrun
l'original fut exposé au Salon de 1783
Duchesse Yolande de Polignac
Élisabeth Vigée-LeBrun - 1783
Waddesdon Manor, Aylesbury (notice)
















Lors de son exposition au Salon du Louvre de 1783, le portrait d'une reine en tenue d'intérieur fit scandale et madame Vigée-Lebrun dut le remplacer par un autre tableau, sur lequel la reine porte une robe jugée plus prestigieuse.


Par la suite, les étoffes légères firent sensation dans les tenues révolutionnaires des Merveilleuses. Au sortir de la Révolution, la jeunesse parisienne ne pense plus qu'à dissiper les affres de la Terreur en se lançant à corps perdu dans les distractions. Bals et théâtres se multiplient alors dans la capitale. De l'Ancien Régime, on a fait table rase. Coutume et costume allant de pair, les mœurs et la mode évoluent de façon spectaculaire.


La libération est à l'ordre du jour, paniers et corsets sont définitivement bannis. Pour faire du neuf, on ne trouve rien de mieux qu'un retour à l'Antique. Pour l'heure, les élégantes du Directoire s'habillent à la mode gréco-romaine. Un peu plus tard, quand arriveront les premiers dessins rapportés de la campagne d'Égypte, ce sera le début de l’égyptomanie dans tous les domaines, tant pour le mobilier et la décoration que pour les vêtements féminins.

En attendant, vêtues de tissus diaphanes et chaussées de cothurnes, les plus sages se promènent en relevant le bas de leur robe jusqu'aux genoux. Les plus folles jettent leur chemise de dessous aux orties, causant au passage quelques petits scandales. Les frères Goncourt rapportent dans leur "Histoire de la société française pendant le Directoire" : Un décadi soir de l'an V, deux femmes se promènent aux Champs-Élysées, nues dans un fourreau de gaze.

Mme Tallien aux Tuileries
illustration d'après une aquarelle d'Édouard Zier

Il est probable que l'une des deux femmes nues dans un fourreau de gaze dont parlent les Goncourt ait été Mme Hamelin. Parmi le nombre très restreint de Merveilleuses dont l'Histoire a retenu les noms,  Mme Tallien et Mme Hamelin étaient celles qui se montrèrent les plus audacieuses en matière de transparence vestimentaire. Certaines jeunes femmes les imitèrent au péril de leur vie, dansant toute la nuit dans la fraîcheur des jardins simplement vêtues d'une tunique de gaze.  Dans un article daté de l'An VI (1798), Le Nouveau Paris relate une épidémie de pneumonies fatales sans précédent, engendrée par la mode des "nudités gazées".

Jeune femme en blanc
Atelier de David - 1798
National Gallery of Art, Washington (notice)

Si le Directoire fut l'âge d'or du nu, durant lequel les robes découvrirent amplement les bras (et les jambes) des femmes, le Consulat et le Premier Empire ne furent guère plus pudiques. Depuis leur séjour à la prison des Carmes, Thérésa Cabarrus (future Mme Tallien) et Joséphine de Beauharnaisétaient liées d'amitié. Avec la sage Mme Récamier et la moins sage Mme Hamelin, elles furent véritablement les reines merveilleuses du Directoire.


Juliette Récamier
Jean-Baptiste Jacques Augustin - 1801
Musée du Louvre (notice)


Sur le portrait ci-dessous, peint par le baron Gérard en 1801, le tissu de la robe laisse voir par transparence les jambes de celle qui n'est pas encore impératrice, mais déjà l'épouse de Bonaparte, Premier Consul.

L'Impératrice Joséphine (détail)
François Gérard - 1801
Musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg (notice)


Noëlle-Catherine Verlée, épouse de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord le "Diable boiteux" avait elle aussi de très jolies jambes, que le talent du peintre a bien mis en valeur sous la fluidité transparente du tissu.

Catherine Worlée princesse de Talleyrand
François Gérard - 1804
collection privée


Née Paolina Bonaparte, Pauline était la sœur préférée de Napoléon 1er. Enfants, Napoléon et Pauline s'étaient amusés à contrefaire la démarche de leur grand-mère que l’arthrose obligeait à marcher presque courbée en deux. Outrée par ce scandaleux manque de respect, leur mère jugea bon de les châtier physiquement. Napoléon raconte que « Pauline fut fouettée la première parce que les jupons sont plus faciles à relever qu'une culotte à déboutonner». Une anecdote qui présageait de la vie de Pauline dont le jupon se levait, dit-on, avec beaucoup de facilité.


Pauline Bonaparte, princesse Borghèse
Robert Lefèvre - 1806
Château de Versailles

Une autre anecdote, rapportée cette fois par la duchesse d’Abrantès dans ses mémoires, concerne les oreilles de la belle Pauline, que Laure Junot d'Abrantès appelle tantôt Paulette tantôt Mme Leclerc, Pauline étant alors l'épouse du général Leclerc (dont elle sera veuve en 1802, l'année de ses vingt-deux ans).

Lire ici, l'épisode amusant des "Mémoires de Madame la Duchesse d'Abrantés" dans lequel la duchesse décrit les oreilles de Pauline moquées par Mme de Contades comme étant « un morceau de cartilage blanc, mince, tout uni et sans être aucunement ourlé» en complète disparité avec la beauté de son visage. La moqueuse dont parle la duchesse était née Mérote de Bouillé, sa moquerie ne lui a pas porté chance, Mérote étant décédée fort jeune à seulement vingt-sept ans.

************


Pour terminer en beauté cette petite histoire de la transparence en matière de vêtements féminins, voici le portrait d'une jeune inconnue dont le décolleté translucide laisse apparaître une bien jolie poitrine.

Portrait de femme
Jean-Urbain Guérin (1760-1836)
Musée du Louvre (notice)

Tout comme celui de Juliette Récamier (vu plus haut) le portrait ci-dessus est une miniature peinte sur ivoire. Son modèle ressemble étrangement au portrait que le peintre René Théodore Berthon fit de Pascale Hosten, la très belle épouse du comte d'Arjuzon, premier chambellan de Louis Bonaparte. La comtesse d'Arjuzon fut un temps dame de compagnie d'Hortense de Beauharnais.

Madame d'Arjuzon, née Pascale Hosten
René Théodore Berthon (1776-1859)
collection privée



Comme annoncé d'entrée de jeu, le présent billet prélude à l'histoire d'une femme ravissante qui vécut au dix-neuvième siècle et dont les aventures seront contées ultérieurement dans ce grenier. Certain(e)s d'entre vous m'ont fait part de leur hâte à connaître l'identité de cette mystérieuse beauté. Cependant, les péripéties de sa vie sont si foisonnantes que j'ai du me résoudre à traiter les sujets annexes par des billets préliminaires. Je vous prie de bien vouloir excuser cet intolérable suspense et je vous assure que votre patience sera grandement récompensée.



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Le voile de Salammbô

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Salammbô
lithographie d'Alfons Mucha (détail)


Le 24 novembre prochain sera le cent-cinquantième anniversaire de la publication de Salammbô, troisième roman de Gustave Flaubert (après Mémoires d'un fou et Madame Bovary). Dès le lundi 24 novembre 1862, jour de sa mise en vente, le succès deSalammbô fut immédiat et deux mille exemplaires furent écoulés en deux jours. Après une lecture publique aux palais des Tuileries et des extraits du roman publiés dans la presse, l'histoire de la fille d'Hamilcar, adoratrice de la déesse Tanit, fit le tour des salons de l'époque et suscita un véritable engouement.

L'année suivant la parution du roman, Salammbô fut très en vogue dans les bals costumés de la haute société du Second Empire. L'impératrice Eugénie a même failli paraître à l'un d'eux travestie en princesse carthaginoise. Flaubert mentionne dans sa lettre du 24 janvier 1863 adressée à Félicien de Saulcy, la demande qui lui a été faite "en haut lieu" des modèles de costumes de Salammbô. Flaubert contacta Alexandre Bidaà ce sujet, mais finalement, l'impératrice renonça à son projet par crainte d'être inconvenante dans un tel costume.

Quelques années plus tard, Salammbô devint une source d'inspiration artistique, tant pour les peintres, illustrateurs et sculpteurs que pour les musiciens. Or, bien que l'orientalisme soit à la mode depuis la campagne d'Égypte et la publication en 1809 de la "Description de l'Égypte" (monumental ouvrage commandé par Bonaparte) la civilisation carthaginoiseétait alors quasiment inconnue, et le demeure d'ailleurs encore un peu de nos jours.

Salammbô (?)
Adrien Tanoux - 1921
(collection privée)
Le manque de références sur les carthaginois a valu quelques avatars à Salammbô, parfois représentée dans un décor égyptien (voire confondue avec Cléopâtre) ou représentée en simple odalisque, comme dans le tableau ci-dessus. Tableau dans lequel on cherchera en vain un signe distinctif permettant de l'identifier clairement, tel la chainette d'or qu'elle portait aux chevilles par exemple.

Salammbô, carte publicitaire, 1897

Les extrapolations contemporaines dans la BD et les jeux vidéos concernant la Salammbô décrite par Flaubert ne seront pas évoquées ici. Je préfère m'en tenir aux représentations des illustrations du roman, et surtout aux quelques œuvres des peintres de chevalet, quel que soit leur degré de conformité avec le texte de Flaubert.

La première description de l'apparence de Salammbô se trouve dans le premier chapitre du roman "Le Festin", dont voici l'extrait correspondant



Ce sont deux illustrateurs qui ont le plus fidèlement  reproduit la description de Salammbô par rapport au texte ci-dessus. L'une se trouve dans une édition de 1930, l'autre dans une édition contemporaine du roman traduit en russe.

Salammbô (chapitre I)
illustration de François-Louis Schmied
édition Le Livre, Paris 1923
Salammbô (chapitre I)
Denis Gordeeva
édition russe contemporaine


















« Elle marchait en inclinant la tête,
et tenait à sa main droite une petite lyre d’ébène.
»



Au troisième chapitre du roman,  vêtue de sa "longue simarre blanche", Salammbô se trouve sur sa terrasse. Auprès d'elle Taanach, sa vielle nourrice et servnate, joue sur son nebal la musique mélancolique que sa maîtresse lui a demandée.

















C'est à l'épisode reproduit ci-dessus que se rapporte la lithographie d'Alfons Mucha intitulée Incantation

Incantation
Alfons Mucha - 1898
(consulter la notice)
Mucha a choisi de représenter Salammbô les seins nus, une liberté par rapport au texte qui se justifie pleinement par l'effet artistique obtenu, l'image combinant à la fois la scène d'adoration de Tanit (déesse lunaire) et, par les volutes de l'écharpe passant derrière la tête de Salammbô, la scène du serpent que l'on verra au chapitre dix.

Ci-dessous, la même scène sur la terrasse — « O Tanit ! tu m’aimes, n’est-ce pas ? Je t’ai tant regardée ! Mais non ! tu cours dans ton azur, et moi je reste sur la terre immobile. »  —  illustrée par Victor Armand Poirson pour l'édition de 1887. Voir ici ses autres illustrations.

O Tanit ! tu m’aimes, n’est-ce pas ?
illustration de Salammbô par Victor Armand Poirson
Maison Quantin, Paris 1887

Les deux toiles ci-dessous, Sérénade au clair de lune et Nuits arabes, sont de Hans Zatzka. Elles semblent visiblement avoir été inspirées par le même épisode de Salammbô sur la terrasse...

Sérénade au clair de lune
Hans Zatzka (1859-1945)
collection privée

Nuits arabes
Hans Zatzka
collection privée

Ci-dessous, toujours la scène de Salammbô priant Tanit (la lune) mais cette fois illustrée par Georges Rochegrosse, dont Flaubert avait pressenti le talent alors qu'il était encore un enfant. « Dès que tu auras du talent, je te ferai commander les illustrations de Salammbô». Lire en ligne le livre consacré à Rochegrosse par Jean Valmy-Baysse (1874-1962).

Ô Tanit ! Salammbô dans sa longue simarre blanche
illustration de Salammbô par Georges Rochegrosse
édition Ferroud, Paris 1900

Georges Rochegrosse me permet de faire la transition entre ce long épisode du chapitre trois que nous venons de voir et Le Serpent (dixième chapitre du roman) où l'on va retrouver Salammbô, non plus sur sa terrasse mais dans ses appartements.

Au chapitre cinq, croyant la séduire, Mâtho a dérobé le Zaïmph au temple de Tanit pour l'offrir à Salammbô. La vue du Zaïmph, voile sacré de la déesse protectrice de la cité que personne ne peut contempler sans être en danger de mort, a profondément perturbé la jeune femme. Horrifiée par le sacrilège de Mâtho, Salammbô a refusé le somptueux cadeau. Cependant la contemplation suivie de la perte du  Zaïmph pour la cité de Carthage ne cessent d'obséder Salammbô.
















Les colombes de Salammbô (symbole évident de sa virginité) ont merveilleusement inspiré Georges Rochegrosse


Salammbô et les colombes
Georges Rochegrosse - 1895
Musée d'Art et d'Histoire Marcel Dessal, Dreux (notice)

Bouleversée par le souvenir du Zaïmph, Salammbô, a confié son tourment à Schahabarim, son mentor et prêtre de Tanit. Ce dernier l'a persuadée de se rendre dans le camp de Matho afin d'y reprendre le Zaïmph, ce qui devrait, selon lui, libérer Carthage assiégée par les mercenaires. Avant de prendre sa décision, Salammbô se tourne vers son serpent familier pour connaître l'avenir « car on tirait des augures d’après l’attitude des serpents». 




















Le serpent familier de Salammbô, tel que décrit par Flaubert dans le texte ci-dessus avec « ses noirs anneaux tigrés de plaques d’or»,  est probablement un python royal.

Bien qu'en réalité un python d'une telle taille soit incapable de se lever "tout droit" sur sa queue, on ne peut pas reprocher à Gaston Bussière d'avoir respecté le texte de Flaubert.

Salammbô
Gaston Bussière - 1920
Musée des Ursulines, Mâcon

Cette métaphore de la scène qui se déroulera plus tard sous la tente de Mâtho correspond bien au caractère divinatoire attribué au serpent. À ce propos, il est intéressant de lire le texte explicatif de la scène dans la notice du tableau.

Les images de Salammbô enlacée par le serpent sont très nombreuses dans les éditions illustrées du roman, mais peu de peintres ont représenté cette scène. Alors quelle bonne surprise en découvrant celui de Carl Strathmann

Salammbô
Carl Strathmann - 1895
Klassik Stiftung Weimar, Allemagne

En dehors de ses dates (Düsseldorf 1866-1939 Munich) on ne trouve guère d'information sur ce peintre symboliste allemand. C'est bien dommage car j'aime beaucoup sa Salammbô.

Carl Strathmann - Salammbô - détail

Ainsi couchée avec le serpent qui paraît l'embrasser, Salammbô semble la Belle au Bois Dormant sur le point d'être éveillée par le Prince Charmant !

Enfin nous voici parvenus au chapitre onze du roman, celui ou Salammbô, parée comme une reine, va trouver Mâtho dans son campement pour lui demander de restituer le Zaïmph, le voile sacré de la déesse Tanit.  Elle arrive sous la terrasse qui ferme le camp des Barbares















À ma connaissance, il n'existe pas de peinture représentant le moment de l'histoire où, juste avant de se dévoiler pour être aussitôt recouverte par le voile de Tanit, Salammbô  se trouve enlacée par Mâtho à genoux.

Cependant, Théodore Rivière a merveilleusement reproduit cette scène et, qui plus est, en plusieurs exemplaires, comme le précise la notice des musées de France.


Salammbô chez Mâtho
bronze patiné et pierres précieuses
notice de Sotheby's
Salammbô chez Mâtho
bronze patiné argent
notice de Sotheby's






Salammbô chez Mâtho
bronze patiné brun et or
notice de Sotheby's
Salammbô chez Mâtho
bronze, ivoire, or et turquoises
notice du musée d'Orsay




























(cliquer sur les photos pour les agrandir)



Pour terminer ce billet voici un tableau, intitulé Salammbô,  bien que Salammbô portant un sabre ne corresponde à rien dans le roman de Flaubert. À moins qu'il ne s'agisse du court instant durant lequel elle s'empare du poignard posé près de Mâtho endormi, mais qui tombe très vite de ses mains...




Salammbô
Benjamin-Constant
notice de Sotheby's



Le mystère de la belle du XIXe (dont un portrait orne un musée parisien) n'est guère dévoilé avec ce nouveau billet préliminaire à son histoire. Que les impatient(e)s de faire sa connaissance veuillent bien me pardonner. Son histoire est si morcelée que sa reconstitution est un véritable travail de limier. J'ai appris tout récemment qu'elle a écrit un roman. Je vais donc me rendre à la Bibliothèque Historique de Paris pour le consulter. J'espère pouvoir y avoir accès, mais cela risque de prendre un certain temps. Merci de bien vouloir excuser ce retard.



Source pour les illustrations de Salammbô :
Listes des éditions illustrées et des BD adaptées du roman
autre liste des éditions illustrées par ordre chronologique
toutes les illustrations, reproduites chapitre par chapitre




 ©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

De Vénus à Salammbô, naissance d'un tableau

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Salammbô
Gaston Bussière - 1907
(œuvre non localisée)


De prime abord, la relation entre Vénus et Salammbô n'est pas évidente. Toutefois, dans la mythologie gréco-romaine, Vénus est l'homologue de la grecque Aphrodite et, selon Pierre Lévêque, Aphrodite est apparentée à Astarté« Aphrodite n'est autre que la transposition de la Phénicienne Astarté, une déesse sémitique de l'amour, des énergies vitales, fertilisantes et fécondantes, et de la mer».


Astarté (détail)
John Singer Sargent, vers 1890-95
Metropolitan Museum of Art (tableau entier)

Astarté est également la déesse lunaire, que les Carthaginois appellent Tanit. Dans le roman de Flaubert, Salammbô s'identifie à Tanit. Par Aphrodite et Astarté, il y a donc bien une relation entre Vénus et Salammbô.

Sur le plan pictural, il existe également un lien entre Vénus et Salammbô. Aussi inattendue qu'elle soit, cette relation n'en est pas moins réelle. Pour ménager l'effet de surprise, je vais présenter les choses dans l'ordre chronologique.

Vénus et Cupidon
Artemisia Gentileschi, 1625-1630
Virginia Museum of Fine Arts, Richmond, USA (notice du musée)

Vers 1625-1630, Artemisia Gentileschi peint Vénus et Cupidon. Notez bien la courbe du corps de Vénus, depuis le sein jusqu'à la hanche droite, ainsi que la position des jambes l'une par rapport à l'autre.


Naissance de Vénus
Alexandre Cabanel - 1863
Musée d'Orsay (lire la notice du musée)

La pose de la Vénus de Cabanel semble bien être inspirée du tableau d'Artemisia Gentileschi. Cabanel a multiplié les cupidons, cependant la couleur de la mer rappelle celle du drap sur lequel repose la Vénus d'Artemisia. Cabanel n'ignorait sûrement pas l'existence du tableau d'Artemisia...

Pourtant, la notice du musée d'Orsay ne parle que d'un mélange de « références à Ingres et à la peinture du XVIIIe siècle» à propos de la Vénus de Cabanel (Vénus Anadyomène d'Ingres). Notons au passage qu'il existe une réplique de la Naissance de Vénus par Cabanel au Metropolitan Museum of Art.



Ma petite histoire de la naissance d'un tableau démarre quand, après avoir lu dans un ouvrage d'Ulrich Bischoff qu'une copie de la Vénus de Cabanel aurait servi de toile de fond au tableau Le Jardin de la France de Max Ernst, je décide de mener ma petite enquête.

Le Jardin de la France
Max Ernst - 1962
Centre Pompidou (Beaubourg), Paris (notice du musée)

Comme dans la Vénus et Cupidon de Gentileschi par rapport à la Naissance de Vénus de Cabanel, la courbe du corps de la femme ainsi que la position des jambes l'une par rapport à l'autre sont analogues. Cependant, dans le tableau de Max Ernst, le serpent sur la cuisse de la Vénus de Cabanel a de quoi étonner...

Or, voila que je retrouve la même information dans le très officiel dossier de presse de l'exposition Max Ernst, le Jardin de la France, qui a eu lieu au Musée des Beaux-Arts de Tours entre le 17 octobre 2009 et le 18 janvier 2010 :
« Le Jardin de la France. Max Ernst aurait-il su trouver titre plus charmant, plus gai pour dire son amour de la France, de la Touraine ? Ce tableau compte parmi les oeuvres les plus remarquables qui ont vu le jour dans ce paysage. En 1962, une année avant que La Naissance de Vénus de Cabanel, une des plus célèbres peintures de Salon du XIXe siècle, ne fête son centième anniversaire, Max Ernst en repeint une version qu’il avait dénichée dans un marché aux puces. L’Indre et la Loire enveloppent le corps féminin de leurs caresses liquides.»


Examinons ces deux tableaux de plus près. En dehors du serpent, avez-vous repéré la principale différence entre les deux "Vénus", celle de Cabanel et celle de Ernst ? Oui ? Non ? Regardez les pieds :


C'est très net. Les pieds de la femme, couchée entre la Loire et l'Indre dans Le Jardin de la France et ceux de la Naissance de Vénus de Cabanel ne sont pas identiques. L'histoire du tableau de Cabanel soi-disant repeint, ou copié, par Max Ernst tombe à l'eau !

Mais alors (me direz-vous) c'est simple, Max Ernst n'a rien copié du tout et il a peint son Jardin de la France tout seul comme un grand.
Pas si sûr...regardez plutôt

Salammbô
Michel Richard-Putz, vers 1898
(peinture non localisée, crédit photo)

D'après le peu d'information que j'ai pu recueillir sur la toile, Michel (ou Michael) Richard-Putz (1868-1934) serait un peintre d'origine allemande, venu à Paris pour étudier la peinture auprès de Benjamin Constant et de Jean-Paul Laurens.

Quoi qu'il en soit, sa Salammbô est assurément le tableau que Max Ernst a utilisé (l'original ou une copie ? on ne le saura sans doute jamais...) pour créer Le Jardin de la France. La preuve par les pieds et l'anneau du serpent, évidemment !



Max Ernst a vécu à Huismes entre 1955 et 1963. Dans  Le Jardin de la France, il a voulu représenter de manière cartographique l'esprit de la région qu'il habitait, au confluent de l'Indre avec la Loire, quand il a peint ce tableau. Ainsi, l'indolence orientale de la Salammbô de Richard-Putz s'accorde magnifiquement avec la langueur des paysages des bords de Loire. Quant au serpent, c'est l'image même du cours d'eau qui se coule dans le paysage, avec quelquefois des passages souterrains. C'est aussi l'esprit d'un autre jardin, l'Eden des origines.



Nymphe endormie
Arthur P. Burton 1894-1914
(collection privée)

La Nymphe endormie d'Arthur P. Burton vient à point pour terminer ma petite genèse du Jardin de la France, une petite digression que voudront bien me pardonner les impatients de faire la connaissance de la mystérieuse beauté du Second Empire qui, telle une diva, s'attarde encore dans les coulisses de mon grenier.



Sources

- Max Ernst, un cartographe facétieux, article absolument passionnant, qui répond parfaitement aux question que l'on peut se poser à propos du  Jardin de la France, l'inversion du cours de la Loire notamment.

- Illustrations du roman Salammbô, chapitre X Le Serpent


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

D'Ingres à Fortuny, les belles alanguies

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Naissance de Vénus (détail)


Dernièrement, il a été question d'une œuvre d'Alexandre Cabanel, la Naissance de Vénus, qui eut la faveur de Napoléon III lors de sa présentation au Salon de 1863.

Dans mon précédent billet, j'avais noté au sujet de ce tableau ce qu'en dit la notice du musée d'Orsay« Cabanel mêle les références à Ingres et à la peinture du XVIIIe siècle». Tout récemment, j'ai trouvé par hasard à quoi cette notice fait allusion en évoquant des références à Ingres.

Voici donc une nouvelle "suite" de belles alanguies, non exempte de mystères et de surprises...

Odalisque dormant
Jean-Auguste-Dominique Ingres - vers 1820
Victoria and Albert Museum, Londres

Cette Odalisque dormant serait une reprise d'une étude d'un autre tableau d'Ingres, La Dormeuse de Naples, disparu en 1815. Inconsolable de la perte de sa Dormeuse, Ingres aurait retravaillé une de ses études pour en faire une peinture achevée capable de perpétuer le souvenir du tableau disparu.

La Dormeuse de Naples appartenait à Caroline Murat et elle a été perdue lorsque la reine de Naples a dû l'abandonner dans sa fuite lors de la chute du royaume après la défaite de son époux par les Autrichiens. Le destin de La Dormeuse de Naplesd'Ingres demeure depuis lors une énigme et ce tableau a fait l'objet d'une passionnante enquête en 2007.  

Dans la notice du Victoria and Albert Museum, il est dit qu'Ingres a repris la position du corps de l'Odalisque dormant, non seulement pour L'Odalisque à l'esclave, mais aussi pour Jupiter et Antiope.

Jupiter et Antiope
Ingres - 1851
Musée d'Orsay (notice)

La notice du Victoria and Albert Museum ajoute que les odalisques d'Ingres ont clairement influencé Cabanel pour sa Naissance de Vénus. Chose évidente dans L'Odalisque à l'esclave, que nous allons voir tout de suite après.

Naissance de Vénus
Alexandre Cabanel - 1863
Musée d'Orsay (notice)


Ingres a décliné L'Odalisque à l'esclave en plusieurs versions au fil du temps. Après un magnifique dessin préalable en 1839, il en a réalisé une première peinture en 1840, suivie d'une réplique avec changement d'arrière plan en 1842, et pour finir un autre dessin en 1852.

L'Odalisque à l'esclave
Ingres - 1839
The Morgan Library and Museum, New-York (notice et zoom)

L'œuvre ci-dessus est un dessin admirable qu'Ingres a effectué en employant la mine de plomb, la pierre noire et la craie blanche, avec des lavis gris et brun.

Un détail de ce dessin m'a beaucoup intriguée. J'ai tout d'abord pris la forme claire mais indistincte, située à gauche derrière la balustrade, pour une sorte d'apparition fantomatique en relation avec les légendes orientales, l'eunuque me paraissant la regarder avec un certain effroi.

L'Odalisque à l'esclave (détail)
cliquer pour agrandir l'image

En l'observant de plus prés, il me semble voir une fontaine entourée d'une vapeur que j'imagine parfumée à la rose, sans aucune certitude cependant. Qu'en pensez-vous ?...


L'Odalisque à l'esclave
Ingres - 1840
Fogg Art Museum, Cambridge - Massachusetts (notice et zoom)

La peinture de l'odalisque et de l'esclave musicienne est aussi belle que le dessin. Ingres y a apporté quelques modifications, telles les fleurs sur la robe de l'eunuque mais pas seulement. En voyez vous une autre ?


L'Odalisque à l'esclave
Ingres (et Paul Flandrin pour le jardin) - 1842
Walters Art Museum, Baltimore - Maryland (notice et zoom)

L'année durant laquelle il a peint la réplique de L'Odalisque à l'esclave, Ingres s"était installé avec ses assistants au château de Dampierre pour y peindre la fresque de L'Âge d'Or commandée par le duc de Luynes pour orner une galerie du château. Le décor d'arrière-plan de la seconde version de L'Odalisque à l'esclave est réputé avoir été inspiré par le parc du  Château de Dampierre.

Entre la balustrade et le jardin, subsiste une trace de la forme fantomatique qui m'a tant intriguée dans le dessin et la version de 1939 de ce tableau. Cette fois cela ressemble bien au bassin d'une fontaine d'intérieur... En dehors du parc et de la fontaine, avez vous repéré les deux principales différences entre cette version et la précédente ?


L'Odalisque à l'esclave
Ingres - 1858
Musée du Louvre (notice)

Ce dernier dessin de L'Odalisque à l'esclave  montre l'attachement d'Ingres à son sujet. Jusqu'au bout de sa vie Ingres aura eu un faible pour l'orientalisme. Le Bain Turc, qu'il réalisa à l'âge de quatre-vingts ans, en témoigne.

Quinze ans après le décès d'Ingres, Louis Courtat, un élève de Cabanel (toujours lui !) peint une Odalisque fortement inspiré à la fois de L'Odalisque à l'esclave d'Ingres et  de la Naissance de Vénus de son professeur. La seule reproduction disponible sur la toile n'est hélas pas fameuse, je pense néanmoins que ce tableau mérite d'être montré, ne serait-ce qu'à titre informatif.

Odalisque
Louis Courtat - 1882
Musée des Ursulines, Mâcon (lire la notice)

Vingt ans avant celle de Louis Courtat, dans la série des odalisque inspirées par Ingres, il y eut aussi l'odalisque en chaussettes de monsieur Courbet.

Femme nue couchée
Gustave Courbet - 1862
collection privée, Londres

Peu nombreux sont sans doute ceux qui ont vu, de leurs yeux vu, ce nu de Courbet. C'est encore une histoire de tableau disparu durant plusieurs années. Contrairement à La Dormeuse de Naples d'Ingres, la Femme nue couchée de Courbet a été retrouvée après une absence de soixante-cinq ans. En 2007 elle a été exposée brièvement au Grand Palais et pfuiiit ! elle est rentrée illico chez son propriétaire. Pour lire le récit de son aventure, cliquer ici.


En 1862, la même année que la Femme nue couchée de Courbet, à la suite de son séjour au Maroc le peintre catalan Marià Fortuny (Maria Fortuny y Marsal, dit Mariano Fortuny) réalise une Odalisque qui succède à La Odalisca qu'il avait peinte l'année précédente.

La Odalisca
Marià Fortuny - 1861
Museu Nacional d'Art de Catalunya, Barcelone (notice)

La Odalisca  de Fortuny a très certainement influencé Eduardo Rosales Gallina pour sa Mujer desnuda dormida, ci-dessous

Mujer desnuda dormida
Eduardo Rosales Gallina - 1865-70

Musée National des Beaux-Arts, Buenos-Aires (notice)


Visiblement inspirée d'Ingres, l'Odalisque de Marià Fortuny de 1862 semble préfigurer la Naissance de Vénus  peinte par Cabanel l'année suivante.

Odalisque
Marià Fortuny - 1862
collection privée

Ci-dessous, un nu féminin qui découle en droite ligne de l'odalisque paternelle et de Cabanel !


Estudi de nu femení
Mariano Fortuny y Mardazo - 1888
Palazzo Fortuny, Venise

Fils de Marià Fortuny , Mariano Fortuny y Mardazo (1871-1949), le célèbre couturier vénitien né à Grenade, fut un artiste polyvalent de génie. Successivement peintre, puis décorateur et scénographe au théâtre, ce qui l'a amené a créer des tissus pour les costumes, il finit par produire des robes qui auront séduit, entre autres, l'auteur d'À la recherche du temps perdu qui en a beaucoup parlé dans son œuvre maîtresse. Le talent de Mariano Fortuny y Mardazo ne se limitait pas à la peinture et aux textiles, il fut également architecte d'intérieur pour des demeures particulières et des musées.

Un exemple de robe citée par Proust sur le site de la BNF et une biographie sur le site du Palazzo Fortuny. 

Exposition Mariano Fortuny y Madrazo à la Villa Badoer en 2011


Pour terminer, revenons un instant à  L'Odalisque à l'esclave d'Ingres, à  l'Odalisque de Louis Courtat et à La Odalisca de Marià Fortuny. Sauriez- vous dire quel est l'instrument de musique tenus par l'esclave et d'Ingres et de Courtat et par le bédouin de Fortuny ? Sans doute que non, tout comme moi avant de me pencher sur la question. Il s'agit du saz, instrument traditionnel turc.





Différentes sortes de saz
(crédit illustration)

En version originale :


à parti de 2:00 le jeu devient plus animé, vraiment intéressant


Bonne écoute et bonne fin de semaine à toutes et à tous


EDIT du 4 octobre

Demain soir sera publié ci-dessous un récapitulatif des différences entre les différentes versions de L'Odalisque à l'esclave.

Différences entre le dessin et les tableaux

En dehors de la robe de l'eunuque et de l'arrière-plan modifiés, dont j'ai parlé dans le billet, des différences entre le dessin et les deux tableaux ont été trouvées :

parNathanaëlle

entre le dessin et le tableau de 1842
L'odalisque a la hanche et la cuisse droite plus découvertes sur le tableau que sur le dessin.
Le bijou semble plus épais. Ce sont des perles sur le tableau.
entre le tableau de 1840 et celui de 1842Le voile sur le pied, il est différent. (vu en 1er par Hazló)
le nombril légèrement recentré


parCathy B

entre le tableau de 1842 et celui de 1840
Mais par quoi donc la belle dame a-t-elle remplacé ses babouches ? Un samovar ?


parChristineeeee

Je dirais aussi que le tapis n'est plus le même
... les chaussons à talons et l'élément en cuivre (déjà repéré par Cathy B)
Le collier fin et le collier de perles et les boucles d'oreilles assorties (déjà trouvé par Nathanaëlle)
7 balustres dans le 1er tableau (derrière le bras gauche de la musicienne)... 5 balustres dans le 2e tableau


parHazló

La balustrade raccourcie (vu par  Christineeeee)
le brûle-parfum (...) remplacé par des babouches (repéré par Cathy B)
Les ornements et la couleur du tapis (repéré par Christineeeee)
collier tout simple est remplacé par un collier de perles (trouvé par Nathanaëlle)
Le voile drapé sur son pied droit dépasse en direction de la musicienne (Nathanaëlle)
il n'y a plus la grande fontaine
la boucle d'oreille! une perle rouge est accrochée à son oreille droite (la musicienne)


parDanielle

le collier n'est pas le même (déjà trouvé par Nathanaëlle)


Pour récapituler, voici les principales différences

entre le dessin de 1839 et le tableau de 1840 :

- la robe de l'eunuque (unie dans le dessin, à fleurs dans le tableau)
- la balustrade devant le pilier (5 balustres dans le dessin, 7 dans le tableau)
- le voile sur le pied droit de l'odalisque (plus étalé dans le dessin que dans le tableau)
- la partie visible du tissu à côté de la couronne est plus importante dans le dessin que dans le tableau


entre le tableau de 1840 et sa version de 1842 :

1 - l'arrière plan (un mur ferme la pièce en 1840, un jardin le remplace en 1842)
2 - la fontaine derrière la balustrade ne comporte plus qu'un seul jet en 1842 (elle en avait au moins huit en 1840, mais on distingue mieux son bassin).
3 - différence du décor mural derrière l'eunuque, juste au-dessus de la balustrade (la rosace quadrilobée a été remplacée par des fleurs en 1842)
4 - le tapis du premier plan (motifs géométriques en 1840, feuillages en 1842 et la couleur de fond est différente)
5 - la robe de l'eunuque (à fleurs en 1840, à rayures dans en 1842)
6 - la balustrade (7 balustres en 1840, retour à 5 en 1842 comme sur le dessin initial)
7 - le brûle-parfum de 1840, remplacé par des babouches en 1842
8 - la chaînette au cou de l'odalisque, remplacée par un collier de perles en 1842
9 - le voile sur le pied droit de l'odalisque (moins étalé dans le tableau de 1840, retour à la position initiale du dessin en 1842)
10 - la hanche droite et le ventre de l'odalisque légèrement plus dénudés en 1842
11 - nombril de l'odalisque aligné différemment par rapport au sein gauche (légèrement plus bas en 1842)
12 - ajout d'un pendant à l'oreille de la musicienne et d'une mèche dépassant de son turban en 1842
13 - position différente du gros orteil de la musicienne (moins courbé en 1842)

Un grand merci aux participant(e)s qui ont contribué à établir cette liste


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

In memoriam


Premier acte, planter le décor

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© travail personnel, ne pas copier SVP


Telle une diva, la belle et mystérieuse dame du XIXe siècle, dont certain(e)s d'entre vous attendent impatiemment l'apparition, s'attarde encore dans les coulisses de ce grenier. À la fin de ce billet, j'ai parlé de l'enquête que je mène à son sujet depuis que son portrait m'a subjuguée et des préludes à son histoire, dont ce billet-ci fait partie.
Mes investigations se poursuivent, mais les informations concernant cette dame sont tellement disséminées sur la toile que je peine à les rassembler pour tenter de reconstituer son histoire. Enfin, tout cela sera révélé ici dans quelque temps, c'est promis.

En attendant, voici le décor dans lequel la somptueuse Madame X
évoluera en arrivant en France.


Vue générale, prise du rond-point des Champs-Élysées
Paris et ses environs, 1858” album de lithographies (23 vues de l'album)


Ce décor, c'est le Paris du Second Empire avec...
 
Place de la Concorde, vue prise de la terrasse des Tuileries


...les salons(littéraires, artistiques ou tout simplement mondains)et...

Intérieur d'un salon rue de Gramont
Charles Giraud - 1858
(collection privée)


...tous les lieux de rencontre et de divertissement de la haute société, tellela traditionnelle promenade au bois de Boulogne, où il était de bon ton de se montrer, à pied, à cheval, ou en calèche.

Amazone au Bois de Boulogne
Alfred Dedreux
(d'autre amazones d'Alfred Dedreux à admirer sur cette page)


Autre décor pour les aventures de Madame X, Biarritz, transformé en station balnéaire à la mode par l'engouement de l'impératrice Eugénie pour ce petit village de pêcheurs qui avait l'avantage de la rapprocher de son Espagne natale.

Biarritz, les bains du Port Vieux
lithographie, troisième quart du XIXe siècle


Tout au long du Second Empire, de grandes réceptions furent données au Palais des Tuileries et au château de Versailles, ayant pour principal objectif de rehausser l'image de la France auprès des autres cours d'Europe. Une image que le règne pantouflard de Louis-Philippe avait rendue bien terne.


Dîner aux Tuileries
Eugène Viollet-le-Duc - huile sur toile
Musée Carnavalet


Cependant ces réceptions, si fastueuses soient-elles, ne suffisaient pas à développer le rayonnement de la France dans le monde. Aussi, suivant l'exemple de Londres et de New-York, en 1853 Napoléon III décréta que la France aurait également son Exposition Universelle en 1855.

C'est à l'occasion de cette exposition que la reine Victoria et le prince Albert effectuèrent leur première visite officielle en France.

Souper à Versailles en l'honneur de la reine d'Angleterre, le 25 août 1855
Eugène Lami - aquarelle
Musée national du château de Versailles


Avec la réception de la reine Victoria à Versailles, la première Exposition Universelle française fut une excellente répétition pour la véritable grande expo universelle du Second Empire, celle de 1867. Entre temps, il y eut une autre réception royale à Versailles.

En 1864, à l'occasion de l'inauguration de la première liaison ferroviaire franco-espagnole, Napoléon III invita le roi et la reine d'Espagneà Paris.

Le spectacle des grandes eaux, assorti d'un grandiose feu d'artifice (produit par Désiré-François Ruggieri) fut offert en leur honneur dans le parc du château, le 21 août 1864. Cet évènement resta longtemps dans les mémoires des spectateurs qui eurent la chance d'y assister, dont la belle Madame X faisait probablement partie.



Les Grandes Eaux illuminées au bassin de Neptune en l’honneur du Roi d'Espagne, le 21 août 1864
Eugène Lami - huile sur toile
Musée national du château de Versailles


En 1867, pour sa seconde Exposition universelle, la France n'accueillit pas moins d'une vingtaine de souverains étrangers dans la capitale.

Ces séjours impériaux et royaux achevèrent de prêter à la vie parisienne de cette période déjà si animée et si brillante, un éclat qu'elle n'avait jamais connu et qu'elle n'a jamais retrouvé depuis. Ce fut vraiment l'apothéose d'une capitale et d'un régime.
(Comte Fleury et Louis Sonolet, La société du Second Empire, Albin Michel)

Les Souverains venus à Paris pour l'Exposition de 1867
Charles Porion - 1895
Musée national du château de Compiègne (notice)

Ci-dessus, le tableau de Charles Porion présente (de gauche à droite) Léopold II de Belgique,  Guillaume Ier de Prusse, François Joseph 1er d'Autriche, Napoléon III, Alexandre II de Russie, Ismaïl Pacha vice-roi d'Égypte, Édouard VII prince de Galles.

Le soir du 10 juin il y eut une grande fête de nuit dans les salons et les jardins du palais des Tuileries, éclairés "a giorno" pour la circonstance.

La façade du palais flambait sous l'éclat de ses illuminations. Les rampes de gaz accusaient les bandeaux, corniches, chambranles et couronnements des fenêtres. Des lignes de lumière bordaient les allées du jardin. La vieille demeure des rois apparaissait transfigurée dans une grandiose apothéose de feu. Dans les massifs s'allumaient des feux de Bengale et toutes les branches d'arbres soutenaient des lanternes de couleur. 
(Comte Fleury et Louis Sonolet, La société du Second Empire, Albin Michel)

Fête de nuit aux Tuileries, le 10 juin 1867
Pierre Tetar van Elven - vers 1867
Musée Carnavalet


On avait établi dans la cour un escalier à double révolution qui montait jusqu'au balcon du pavillon de l'Horloge. Des hommes en uniforme, des femmes en crinoline recouverte de gaze ou de soie claire ne cessaient d'en monter et d'en descendre les degrés. Le nombre des invités ne dépassait pas six cents. Tous les salons leur étaient ouverts : la galerie de Diane, la salle du Trône, la salle des Maréchaux, la salle du Premier Consul, la galerie de la Paix et jusqu'aux boudoirs de l'appartement de l'Impératrice. 
(Comte Fleury et Louis Sonolet, La société du Second Empire, Albin Michel)

Fête de nuit aux Tuileries (détail)
© photo Tilia

Au premier plan du tableau, l'impératrice Eugénie s'avance au bras du tsar Alexandre II, tandis que derrière elle l'empereur converse avec le roi de Prusse Guillaume 1er. À gauche, l'homme vêtu à l'orientale est sans doute le sultan ottoman Abdülaziz, à moins qu'il ne s'agisse du vice-roi d'Égypte Ismaïl Pacha.

Toutes ces têtes couronnées se retrouvèrent attablées au palais pour le souper servi dans la salle de théâtre complétement transformée et merveilleusement décorée.

Fête officielle au palais des Tuileries pendant l'Exposition Universelle de 1867
Henri Baron - aquarelle
Musée national du château de Compiègne (lire la notice de la BNF)

Une estrade dressée au fond avait été réservées aux souverains et aux princes héritiers.


Une soirée aux Tuileries - Henri Baron (détail)

Les autres invités occupaient le parterre. Durant tout le repas, les chœurs de l'Opéra se firent entendre, masqués par des tentures et groupés derrière une fontaine jaillissant au milieu d'un odorant massif de fleurs.
(Comte Fleury et Louis Sonolet, La société du Second Empire, Albin Michel)


Une soirée aux Tuileries - Henri Baron (détail)


Pour clôturer ce billet consacré en partie à la "Fête Impériale", voici un morceau qui se trouvait au programme de la première partie du grand festival musical couronnant l'Exposition Universelle de 1867.

Il s'agit du Chant des Soldats du "Faust" de Gounod


"Gloire immortelle de nos aïeux"
Chœurs des Opéras de Région
Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Michel Plasson
(Chorégies d'Orange, 5 août 2008
)



Le prochain billet sera publié la veille d'Halloween
d'ici là portez-vous bien et à bientôt



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Les sorcières du nabi ésotérique

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Une peinture de Paul Ranson annonçant une prochaine exposition au musée d'Orsay en 2013, vient de me fournir opportunément un thème pour mon billet d'Halloween.


La Sorcière au chat noir
Paul Ranson - 1893
Musée d'Orsay (notice)


C'est par l'antique fête de Samain (d'où est issue celle d'Halloween) que les druides marquaient le début de l'année celtique s'ouvrant en même temps que la "saison sombre". Le calendrier celtique ne comprenait que deux saisons, la saison claire qui commençait le 1er Mai et la saison sombre qui démarrait le 1er Novembre.

Parce qu'elle n'appartient ni à l'année qui se termine, ni à celle qui commence, la nuit de Samain est le moment privilégié permettant aux humains de communiquer avec le Sid, cet autre monde semblable à un paradis terrestre dont les occupants mènent une vie de joies et de délices dans un éternel âge d'or, sans aucune contrainte de temps ni d'espace.


Sorcières aux saturnales
Paul Ranson - 1891
(collection privée)

Dans la Rome antique, les Saturnalesétaient l'équivalent des fêtes celtiques de Samain. Au fil du temps, Saturne fut assimilé au dieu cornu des religions païennes et de là, au sabbat des sorcières.

***********

Dès ses premiers tableaux, Paul Ranson montra un certain goût pour l'ésotérisme.

Vanité aux souris
Paul Ranson - 1885
Musée des Beaux-Arts de Limoges
Les deux objets figurant au premier plan de la vanité ci-dessus m'ont beaucoup intriguée.
J'ai trouvé ce dont il s'agit pour celui de droite.
Mais pas pour celui de gauche,
s'agirait-il d'un encrier ?...

Et vous, avez-vous reconnu celui de droite ?
(La solution pour l'objet de droite sera donnée ultérieurement, preuves à l'appui)



Avec Maurice Denis (le théoricien du groupe) et son ami Paul Sérusier, Paul Ranson fut l'un des membres fondateurs du cénacle des Nabis. Le nom de ce petit groupe de peintres provient d'un terme hébreux signifiant prophète.

Les Nabis se voulaient (et furent) les prophètesd'une nouvelle manière de peindre. Paul Ranson fit partie de ceux qui annoncèrent l'Art Nouveau.

Portrait de Paul Ranson en tenue nabique
Paul Sérusier - 1890
Musée d'Orsay (lire la notice)

Les Nabis se retrouvaient régulièrement dans l’atelier de Paul Ranson, qu'ils surnommaient le temple. Lors de ces réunions plus ou moins occultes, ils étaient accueillis par France Rousseau-Ranson, cousine et épouse de Paul, dite "La Lumière du Temple" en hommage à son intelligence.

Madame Ranson secondait aussi son époux dans ses travaux, non seulement en posant pour lui, mais également en mettant la main à la pâte l'aiguille pour la réalisation de tapisseries, telle que Femmes en blanc.

Madame Ranson au chat
Maurice Denis - 1892
Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye (lire la notice)


Le talent de France Ranson ne se limitait pas aux travaux d'aiguilles. C'est elle qui assura durant plus de vingt ans la continuation de l'Académie Ranson, l'école d'Art fondée par Paul en 1908, juste avant qu'il ne disparaisse prématurément l'année suivante.

C'est elle aussi que l'on retrouve sur un grand nombre de peintures de son époux, la femme debout  accoudée à une balustrade ci-dessous, par exemple.

Femme debout contre une balustrade avec un caniche
Paul Ranson - 1895
Metropolitan Museum of Art, New York (notice)


L'attrait initial de Ranson pour l'ésotérisme évolua rapidement vers l'occultisme, engendrant de nombreuses représentations de sorcières tout au long de son œuvre.

Ce thème récurant pourrait en partie s'expliquer par l'absence d'image féminine bienveillante durant son enfance, du fait que Paul Ranson avait eu le malheur de perdre sa mère peu après sa naissance.


Les Sorcières autour du Feu
Paul Ranson - 1891
Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye


La femme occupe une place centrale dans l'œuvre de Paul Ranson. Elle est souvent représentée dans des situations ou des attitudes étranges, entourée d'attributs ou de signes qui évoquent l'univers des servantes de la Déesse-Mère, les chamanes, sibylles et sorcières.


La Baigneuse bleue
Paul Ranson - 1891
Collection Alain Lesieutre

À première vue cette femme à sa toilette n'a pas l'air d'une sorcière. Cependant, en l'observant de plus près, vous remarquerez que sa posture (jambes croisées et bras également croisés, les mains tenant les pieds) n'a rien de naturelle. Ne serait-elle pas en train d'accomplir un rituel magique ?...

Il existe deux versions de la baigneuse ci-dessus. La seconde est légèrement différente, la disposition de l'éponge et du savon est inversée et une frise occupe le bas du tableau. Elle a pour titre Lustral et elle se trouve au musée d'Orsay (voir le tableau et lire le commentaire).


Sorcière dans son cercle
Paul Ranson - 1892
Aquarelle typographique (collection privée)

Chat, corbeau, serpent, coq... il ne manque que l'araignée, le crapaud, la chouette (ou le hibou) et la chauve-souris pour que toute la ménagerie attribuée aux sorcières soit présente sur cette aquarelle !


Sorcière dans son cercle
Paul Ranson - 1892
Aquarelle et gouache (collection privée)

Quelle que soit la version, la sorcière dans son cercle n'aime pas être observée !


Deux femmes à leur toilette
Paul Ranson - 1892
Tempera sur toile, Clemens-Sels-Museum

Comme La Baigneuse bleue, de prime abord ces Deux femmes à leur toilette  n'ont pas l'air d'être des sorcières. Néanmoins, le chat est un indice. Quand on y regarde bien, il semble n'être pas le seul félin dans cette image... Y en aurait-il d'autres ?

À propos du chat, j'ai bien l'impression qu'il s'agit du chat de Madame Ranson, celui qui se frotte contre ses jambes dans le tableau de Maurice Denis (voir plus haut).


La Sorcière accoudée
Paul Ranson - 1893
 Lithographie (crédit photo)

Au-dessus de La Sorcière accoudée, cette fois la chauve-souris est là.


Deux jeunes femmes devant la tête d'Orphée dans la forêt
Paul Ranson - 1894
Huile sur toile (notice de Christie's)

La nature aussi est omniprésente dans la peinture de Paul Ranson.
Jamais agressive, toujours bienveillante, elle semble figurer la mère qui lui a tant manqué.


Une Sorcière dans le Marais
Paul Ranson - 1897
Huile sur toile (collection privée)

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.

Ranson a sans doute pensé au premier quatrain desCorrespondancesen peignant cette grande sorcière qui chemine dans une nature aux coloris enchanteurs...


*****

Sorcière à la marmite
Paul Ranson, vers 1897-1898
Huile sur carton (notice)

Le hibou et l'araignée de la Sorcière à la marmite complètent la ménagerie de la Sorcière dans son cercle (vue plus haut). Ici, la sorcière est toujours dans son cercle, mais elle ne se préoccupe plus de se savoir observée, ni des animaux qui l'entourent. Elle est absorbée dans une méditation que l'on devine accablante.

La raison de cet accablement vient sans doute des évènements familiaux intervenus dans la vie de Paul Ranson en 1897 et 1898. Après le décès de son père, qui subvenait en partie aux besoins financiers du couple, la grossesse de France est venue ajouter un nouveau sujet d'inquiétude. Paul redoutait inconsciemment que le drame de sa propre naissance se répète et qu'il perde sa femme à la naissance de son enfant. Ce qui, d'une certaine manière, est effectivement arrivé.


Nu à la carcasse
Paul Ranson, 1899
Huile sur toile (collection privée)


Après la naissance de son fils, France n'est plus disponible pour poser, ni pour réaliser des tapisseries. Elle consacre le plus clair de son temps à son enfant. Paul Ranson est amer, son fils lui a ôté sa collaboratrice et sa vie en a été bouleversée. D'autant plus qu'après le déménagement consécutif à la mort du père de Paul, la place manque dans le nouvel appartement, ce qui ne lui permet plus de recevoir ses amis comme avant.

Sorcière avec un chat
Paul Ranson, 1899
Huile sur toile (collection privée)

Dépressif, Paul quitte son foyer pour aller se ressourcer à la campagne, chez son ami, le peintre et sculpteur Georges Lacombe, qui l'accueille dans son Ermitage en Normandie. L'Ermitage de Georges se trouvant en lisière de la forêt d'Écouves, les deux amis vont peindre dans cette forêt, dont le nom signifie balai et dans laquelle les ronds de sorcière ne manquent pas.

Le contact direct avec la nature influence la peinture de Paul, désormais les femmes qu'il représente font comme lui, elles courent les bois.

Étoiles tombées
Paul Ranson, 1900
Pastel (collection privée)

Les séjours de Paul Ranson à l'Ermitage de Marthe et George Lacombe se prolongèrent jusqu'en 1905, date à laquelle Paul se décida à revenir vers sa femme et son fils.

Portrait de Paul Ranson
George Lacombe, vers 1904-1905
Huile sur toile (notice de Christie's)


L'exposition George Lacombe, qui vient de débuter, va être pour moi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur l'amitié Ranson-Lacombe. Ce qui me permettra de compléter ce billet, ou peut-être d'en produire un nouveau...


Avant de refermer la porte du grenier, n'oubliez pas de donner votre avis sur la petite devinette à propos de la Vanité aux Souris(au début de ce billet).


Bonnes fêtes de Toussaint
Halloween ou Samain, selon vos croyances :)



© VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Vanité du savoir

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Vanité aux souris (détail)


Les vanités sont des tableaux symbolisant le peu de valeur des biens de ce monde — matériels ou immatériels — face à la brièveté de la vie humaine. Au final, tout est vain, un linceul n'a pas de poches.

Les vanités sont classées parmi les "natures mortes". Cependant, les néerlandais, les allemands et les anglais préfèrent "vies silencieuses" (stilleven, stillleben et still lifes) pour désigner les peintures qu'il est convenu d'appeler natures mortes.


Nature morte au crâne
Paul Cézanne - 1896-98
Fondation Barnes, Philadelphie, États-Unis (notice)

Quand Cézanne pose un crâne derrière des fruits alignés sur une table, cela ne suffit pas pour classer le tableau parmi les vanités.


Vanitas (Vita brevis, ars longa)
Edwaert Collier - 1672
(localisation inconnue)

Inversement, une vanité peut ne pas présenter de crâne. Un sablier ou une chandelle éteinte suffisent. La Vanitas d'Edwaert Collier ci-dessus présente les deux. En outre, Vanitas est écrit sur une étiquette et une autre porte la mention Vita brevis Ars longa.


Natures mortes ou vies silencieuses, les vanités sont en rapport avec le silence et la méditation sur le destin auquel nul n'échappe, autrement dit, la mort.


Nature morte au crâne et chandelier
Paul Cézanne - 1866
Merzbacher Kunststiftung, Küsnacht, Suisse


Pour évoquer la fuite des ans et notre fin dernière, les sabliers, les montres, les lampes à huile, les bougies, les fleurs, les bulles de savons et les objets en équilibre instable symbolisent le temps qui passe en flétrissant toute chose et soulignent la fragilité de la vie. Le verre à demi vide, ou renversé, évoque les années écoulées et l'approche de la mort.

Vanitas
Willem Claesz Heda - 1628
Museum Bredius, La Haye


D'origine hollandaise, les vanités apparaissent au XVIIe siècle et leurs motivations religieuses sont évidentes. Issues de la pensée réformatrice, elles dénoncent la vanité des biens du monde terrestre. À l'instar des richesses matérielles, les sciences et les arts n'échappent pas à cette réprobation.

Allégorie des vanités du monde
Pieter Boel - 1663
Palais des Beaux-Arts, Lille, (lire la notice)

La majeure partie des vanités datent du XVIIe siècle. Néanmoins, quelques unes ont réapparu dans la seconde moitié du dix-neuvième. Ce sont pour la plupart des vanités du savoir, qui se reconnaissent à la présence de livres dans le tableau (accompagnés, ou non, du globe terrestre).


Vanité
Jean-Ernest Aubert - 1851
Musée des Beaux-Arts, Dijon (lire la notice)

Après ce préambule,

voyons à présent le but de ce billet


Dans le billet précédent, les deux objets posés au premier plan de la Vanité aux souris de Paul Ranson ont suscité pas mal d'interrogations et vous êtes sans doute quelque un(e)s à attendre la solution de l'énigme.


La voici !

Probablement un bougeoir...
pas un encrier, comme préalablement supposé

Microscope du XVIIIe siècle


Félicitations àMarie-Joséequi a suggéré un instrument d'optique


Avant de voir en détail la justification de cette solution, il est important de préciser de quelle manière je l'ai trouvée (notamment en tenant compte des codes de lecture d'Ingvar Bergström concernant les vanités).


Vanité aux souris
Paul Ranson - 1885 - Musée des Beaux-Arts, Limoges


Tout d'abord, j'ai remarqué le fond du tableau. Dans son commentaire sur le billet précédent, Hazló s'en étonne et le décrit ainsi :  « Sombre à gauche et chamarré dans la partie droite de la toile.».

À gauche du rideau chamarré, la partie sombre du fond est un tableau noir, sur lequel on remarque les traces d'un exposé scientifique, ou pour le moins mathématique.

Avec la présence des livres et du globe, la piste scientifique parait probable. D'autant plus que, derrière les livres, on voit un bocal de formol dans lequel on devine un quelconque spécimen biologique.

Ensuite l'association d'idée avec le microscope est venue toute seule. En faisant une recherche d'images portant sur les microscopes anciens, j'ai trouvé cette notice de la base Joconde dans laquelle on peut voir un microscope originaire de Nuremberg, similaire à celui que Paul Ranson a représenté dans sa Vanité aux souris.


Microscope - Nuremberg, 18e siècle
Musée Flaubert et d'histoire de la médecine, Rouen
(lire la description dans la notice du musée)


Une nouvelle recherche d'images, associant les mots "microscope" et "Nuremberg", m'a permis d'obtenir la photo d'un microscope quasiment identique à celui de Ranson, qui présente en plus son porte-objet.


Microscope de Nuremberg
bois et carton, signé ICR fin XVIII
(crédit photo)


Autre exemplaire de microscope type Nuremberg :


Microscope type Nuremberg, 18e siècle
(Cliquer ici pour lire la description
et voir les photos des pièces de l'appareil)


En conclusion, si le classement de la Vanité aux souris de Paul Ranson parmi les vanités du savoir ne fait aucun doute, par contre il est permis de s'interroger sur ce qui a pu motiver le peintre à réaliser cette mise en scène paraissant destinée à critiquer la science de son époque, voire une certaine forme de recherche médicale... 


Une leçon clinique à la Salpétrière
André Brouillet - 1887
Université Paris V (crédit photo)

Pour ceusses qui s'intéressent aux travaux de Jean-Martin Charcot et à l'École de la Salpêtrière, voir sur cette page quelles sont les personnalités représentées sur le tableau d'André Brouillet. Et lire la partie "Critiques" concernant les travaux de Charcot sur le site de l'EPSM J.M. Charcot.


Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et merci pour votre attention et vos échos.


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Duels à la russe

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Ce billet, au titre (d)étonnant, est un autre prélude aux aventures de Madame X, dont l'apparition est à nouveau retardée, cette fois pour diverses raisons totalement indépendantes de ma volonté.

En Europe, l'histoire des duels remonte fort loin dans le temps. Sous Henri III, nobles et courtisans règlent leurs différents à coups de rapière, une nouvelle forme d'épée récemment arrivée d'Italie. Trois siècles plus tard, le XIXe sera celui de l'apothéose des duels un peu partout en Europe. Entre temps, les armes ayant évolué la plupart des duels se font désormais au pistolet, selon un rituel très codifié.

Woody Allen dans Guerre et Amour

En Russie, très peu de duels avant le dix-neuvième siècle. Cependant, à la fin des guerres napoléoniennes, les soldats désœuvrés commencèrent à se battre entre eux au moindre prétexte et le nombre de duellistes vint à augmenter. L'habitude de se battre en duel pour un oui ou pour un non se répandit également parmi la noblesse russe, qui s'empressa de copier les règles en vigueur dans l'aristocratie européenne. La passion invétérée des russes pour les jeux d'argent augmenta encore le nombre de duellistes.


Le duel
Ilya Repin - 1897
collection privée (crédit photo)

Pour les russes, mises à part les querelles engendrées par les jeux, les motifs de duels les plus courants étaient, comme partout ailleurs, le duel d'honneur en réponse à une insulte et le duel galant pour les beaux yeux d'une dame.

Quant au duel politique c'était plutôt une spécificité française. À ce propos, il est étonnant que personne n'ait encore suggéré cette solution pour régler certaine question d'actualité qui s'éternise... Courage fuyons !


Duel Jaurès-Déroulède, 4 décembre 1904, Hendaye


Au XIXe siècle, il y eut dans le monde littéraire russe une véritable cascade de duels. Un peu à la manière des matriochkas, ces poupées russes s'emboîtant l'une dans l'autre, ce fut littéralement une mise en abyme de duels, entre les héros de romans et leurs auteurs. Et la matriochka contenant toutes les autres fut un membre de la très célèbre famille Tolstoï.


Fédor Ivanovitch Tolstoï (1782–1846) dit "L'Américain"

La vie et le caractère du comte Fédor Ivanovitch Tolstoï ont inspiré plusieurs auteurs russes, tels Pouchkine, Lermontov et Léon Tolstoï, son petit-neveu.

Comte Fédor Ivanovitch Tolstoï, jeune
(artiste et localisation inconnus)


Surnommé "L'Américain" en raison d'un séjour en Alaska, Fédor (ou Fiodor) Ivanovitch Tolstoïétait doté d'un caractère exécrable et d'une force physique considérable. Il a laissé à ses contemporains le souvenir d'un aristocrate excentrique, ombrageux et sans scrupules. Un Don Juan, joueur, tricheur, querelleur et violent, qui a reconnu, à la fin de sa vie, avoir sur la conscience la mort d'au moins onze hommes tués en  duel.

Comte Fédor Ivanovitch Tolstoï, âgé
K.-H.-F. Reichel - 1846
(localisation inconnue)


Tolstoï L'Américainétait le grand-oncle de Léon Tolstoï, qui l'a connu durant son enfance et son adolescence et qui l'a décrit plus tard comme un homme à la fois criminel et séduisant. Au préalable, avant même la naissance de Léon Tolstoï, le grand poète russe Alexandre Pouchkine rencontra lui aussi Tolstoï L'Américain...


Alexandre Sergueïevitch Pouchkine
(1799-1837)

On ne peut pas parler d'Alexandre Pouchkine sans évoquer son ascendance camerounaise. Sa mère était la petite-fille d'Abram Petrovitch Hannibal, surnommé par ses contemporains "Le Nègre de Pierre le Grand". Pouchkine a souffert toute sa vie d'un physique qui indiquait clairement ses origines et dont il était pourtant fier. Il en souffrit d'autant plus qu'il était le seul de sa fratrie dans ce cas et que sa mère ne l'aimait guère, lui préférant son frère et sa sœur plus clairs de peau.

Alexandre Pouchkine, enfant
Gravure E. Geytmana
Musée d'État, Pouchkine, Russie

La relation du poète Pouchkine avec Fédor Tolstoï ne fut jamais amicale. Quelques mois seulement après leur rencontre,l'Américain lança une rumeur offensante pour Pouchkine dans le but de le provoquer en duel. Chose qui faillit arriver, ce qui aurait écourté davantage la vie du poète...

Pouchkine
Boris Shcherbakov - 1949
Musée d'Art de Sotchi, Russie (crédit photo)

Pouchkine sortait souvent armé d'une lourde canne en fer. Quand on lui demandait pourquoi il s'encombrait d'un aussi pesant objet, il expliquait que c'était pour fortifier son bras, afin qu'il « ne tremble pas au cas où je devrais tirer». C'est dire si Pouchkine redoutait d'avoir pour adversaire Tolstoï L'Américain, la plus fine gâchette de Moscou.

Duel entre Onéguine et Lenski (aquarelle)
Ilya Repin - 1899
Musée National Alexandre Pouchkine, St-Pétersbourg


Finalement le duel de Pouchkine contre le comte Fédor Tolstoï put être évité. Cependant, Pouchkine ne pardonna jamais l'offense et il se servit deL'Américain pour dépeindre Zaretsky, ce personnage fort déplaisant, responsable de la poursuite du duel et donc de la mort de Vladimir Lenski, dans Eugène Onéguine.

Duel entre Onéguine et Lenski (huile)
Ilya Repin - 1901
Musée National Alexandre Pouchkine, St-Pétersbourg

En écrivant Eugène Onéguine, Pouchkine ne fut pas le seul poète à préfigurer sa mortà travers le destin de l'un de ses personnages, mais il fut le premier.

Duel entre Onéguine et Lenski
Lydia Timochenko
(illustration du roman Eugène Onéguine)

Pour contrebalancer la violence funeste des images de duels, je vous propose de voir deux extraits du ballet Onéguine créé en 1965 par John Cranko, d'après le roman de Pouchkine. Pour lire le résumé de l'histoire et voir le pas de deux du premier acte, cliquez ici. Quant au dernier acte de ce ballet, c'est une scène absolument sublime d'intense émotion, admirablement interprétée par Maria Eichwald et le danseur étoile de renommée internationale Manuel Legris.






Aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est un français qui à tué Pouchkine, un alsacien nommé Georges d'Anthès. Adopté en 1836 (à l'âge de vingt-quatre ans) par le baron de Heeckeren, Georges d'Anthès ajouta le nom de son protecteur à son nom de naissance.

Georges-Charles d'Anthès


Pour connaître l'histoire de d'Anthès et les circonstances de la mort du plus grand poète russe, lire ici.


Duel entre Alexandre Pouchkine et Georges-Charles de Heeckeren d'Anthès
Alexey Avvakumovich Naumov - 1884
Musée National Alexandre Pouchkine, St-Pétersbourg

Le duel qui a entrainé la mort de Pouchkine a eu lieu le 27 janvier 1837 et le poète est mort deux jours plus tard des suites de sa blessure au ventre.

Natalia Bondartchouk a retracé de manière fort véridique le dernier duel de Pouchkine. La scène du duel est poignante d'authenticité et les acteurs (très ressemblants) sont excellents. Si vous vous sentez d'humeur à la visionner, voici la vidéo extraite du film, sorti au cinéma en 2006, Pouchkine, le dernier duel :

Pouchkine, le dernier duel


Alexandre Pouchkine
Vassili Andreïevich Tropinine - 1827
Musée National Alexandre Pouchkine, St-Pétersbourg



Mikhaïl Iourievitch Lermontov (1814-1841)


Un autre poète russe, Mikhaïl Lermontov, a eu un destin comparable à celui de Pouchkine. Toutefois, il est mort beaucoup plus tôt que Pouchkine, à seulement vingt-six ans au lieu de trente-sept.


Mikhaïl Lermontov dans l'uniforme du Régiment de Hussards
peint par F.O. Budkin
(crédit photo)
L'œuvre de Mikhaïl Lermontov ayant obtenu le plus de succès est un roman composé de quatre nouvelles réunies sous le titre "Un héros de notre temps". Le mot héros y est employé de manière ironique pour évoquer le désarroi et l'ennui d'une grande partie de la jeunesse russe aristocratique, écrasée sous la férule castratrice d'un tsar qui censurait toute parole et réprimait toute action contraires à ses vues.

Le duel (esquisse)
Ilya Repin - 1896
Galerie nationale de Finlande, Helsinki (notice)


Un héros de notre temps est largementautobiographique. Par exemple, comme Lermontov, Pétchorine, le personnage principal qui apparaît dans les quatre récits du roman, a été expédié au Caucase pour s'être battu en duel. À ce propos, on notera que si Nicolas 1er avait fait appliquer la loi interdisant les duels lorsqu'il a su que Pouchkine et d'Anthès avaient l'intention de se battre, Pouchkine aurait vécu plus longtemps.

Une réflexion qui a certainement traversé l'esprit de Lermontov lorsqu'il a composé « La Mort du Poète» poème dénonçant la responsabilité de l'entourage du tsar dans la mort de Pouchkine, ce qui lui a valu un premier exil au Caucase. Son second exil a été motivé par... sa participation à un duel !

Le duel - Ilya Repin 1896 (peinture non localisée)

Dans Un héros de notre temps le duel entre Pétchorine et Grouchnitski se déroule au bord d'un précipice, afin que toute balle atteignant sa cible soit mortelle.

Duel entre Pétchorine et Grouchnitski (aquarelle)
Michaïl Vroubel - 1890
illustration pour Un héros de notre temps

Mikhaïl Vroubel, l'auteur de l'illustration ci-dessus est un peintre russe qui a également illustré Le Démon de Lermontov.

La scène du duel entre Pétchorine et Grouchnitski a été adaptée par Alexandre Kott, dans "Petchorine, un héros de notre temps", une série télévisée d'après le roman de Lermontov.





Comme dans le cas de Pouchkine, le duel imaginé par le poète préfigure sa fin. La mise en scéne imaginée par Lermontov pour le duel Pétchorine - Grouchnitski ajoute une dimension sublime au roman et semble avoir été inspirée par le célèbre tableau romantique de Caspar David Friedrich.

Le Voyageur contemplant une mer de nuages
Caspar David Friedrich - 1817
Kunsthalle de Hambourg, Allemagne (notice et crédit photo)


Après avoir interrompu ses études en 1832, Lermontov avait rejoint la garde impériale et, à la suite de son duel avec le fils de l'ambassadeur de France, il avait été envoyé rejoindre les troupes d'invasion du Caucase. Au moment du duel qui lui a coûté la vie, Lermontov résidait temporairement à Piatigorsk, petite station thermale située au pied du mont Matchouk.

Tiflis
Mikhaïl Lermontov - 1837
Institut de Littérature russe de l'Académie des Sciences

Alors que Lermontov se trouve en cure dans cette station, il y retrouve le major Nikolaï Solomonovich Martynov, un de ses camarades de l'école militaire venu se réfugier à Piatigorsk après une mise à la retraite forcée. Lassé des perpétuelles plaisanteries plus ou moins blessantes de son camarade et sans doute manipulé par son entourage, Martynov a été l'instrument de la mort de Lermontov. Certains commentateurs russes pensent que, de même que pour Pouchkine, il y a eu complot et que c'était le tsar Nicolas 1er qui tirait les ficelles...

Portait de Nikolaï Solomonovich Martynov en costume georgien
(artiste inconnu)


Chose troublante, le jour de sa mort le poète a demandé que le combat se déroule sur l'un des éperons rocheux du mont Matchouk, afin de reproduire la scène du duel entre Pétchorine et Grouchnitski telle qui l'avait décrite dans son roman. Cette requête mortifère montre à quel point l'imaginaire se superposait au réel dans l'esprit amer et sarcastique de Lermontov et elle indique un souhait plus ou moins conscient d'en finir avec une vie qui ne le satisfaisait pas.



La fin de Mikhaïl Lermontov au cinéma
extrait de "Lermontov" film réalisé par Nicholas Burlyaev en 1986



Contrairement au roman dans le quel le "héros" Pétchorine ne meurt pas, pour Lermontov« E finita la comedia», comme dit le docteur après la chute de Grouchnitski dans le ravin. La Russie venait de perdre non seulement un grand poète mais aussi un peintre de talent.

***********

Après Tolstoï L'Américain, pour terminer ce billet déjà fort long (vous aurez le temps d'y revenir car Madame X est encore loin de faire son apparition au grenier !) voici son petit-neveu, le grand écrivain Léon Tolstoï.


Lev Nikolaïevitch Tolstoï

Le caractère fortement contrasté de son grand-oncle a tellement fasciné Léon Tolstoï qu'il s'en est servi pour bâtir le personnage physique et moral de Dolokhov dans Guerre et Paix, ainsi que pour son histoire Les Deux Hussards (ou Deux Générations).

Duel Bézoukhov-Dolokhov
D. Chmarinov, illustration de Guerre et Paix

Dans Guerre et Paix, la princesse Kouraguine est l'enjeu du duel entre Dolokhov etPierre Bézoukhov.

À mon avis, la scène du duel dans la parodie cinématographique du roman, concoctée par Woody Allen, vaut son pesant de pruneaux. Jugez-en :



Guerre et Amour( Love and Death, en VO)
interprétation très fantaisiste de Guerre et Paix
film de et avecWoody Allen, sorti en 1975








Ce billet est ma quatrième contribution auChallenge Romantique de Claudialucia





©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Kerstmarkt, le marché de Noël vu par Anton Pieck

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Gnomes chantant Noël (détail)


Noël approchant à grands pas, voici les emplettes de fin d'année vues par Anton Franciscus Pieck, illustre peintre et illustrateur hollandais ayant vécu au vingtième siècle.




Pour les personnes intéressées, une petite biographie de l'artiste se trouve à la fin de ce billet.




L'univers d'Anton Pieck est peuplé de personnages d'un autre temps que l'artiste fait évoluer entre son époque et celle des chaises à porteur, en passant par celle du grand-bi.




Le succès remporté par l'œuvre d'Anton Pieck provient de l'atmosphère heureuse dans laquelle baigne toutes ses images. Pieck disait « je peins ce que je vois quand je ferme les yeux». Autrement dit, il représentait le monde de ses rêves.




C'est le passé, en particulier celui du dix-neuvième siècle anglais, qui a le plus inspiré Anton Pieck. À cette époque, en Hollande comme en Angleterre, au moment de Noël les petites chorales accompagnées d'un ou deux musiciens qui parcourent les rues en chantant des cantiques étaient de tradition.




Autre tradition du temps de Noël, au Pays-Bas comme dans toute l'Europe du nord, l'oie rôtie sur la table du réveillon. Anton Pieck a beaucoup représentées les oies dans ses Kerstmarkten.

Les unes sont encore vivantes, en cage sur le marché...




...pendant que d'autres pendent occises et le corps ballotant au rythme des pas de leur acquéreur...




...et que des volailles se balancent sur une chaise à porteurs :




L'image ci-dessus est sans aucun doute une caricature de la bourgeoisie britannique que Pieck a pu observer tout à loisir lorsqu'il séjournait chez sa fille Elsa mariée à un anglais.





Comparée à la chaise à porteurs, pour transporter les emplettes de Noël, l'automobile est plus pratique et surtout plus rapide. On peut même y caser le sapin. Sans oublier l'oie !




Hélas ! tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir une automobile pour transporter tous ses achats... et ses oies !




Lorsqu'il y a de la neige, le traineau attelé offre sans doute moins d'espace que l'automobile, mais il y a bien une petite place pour l'oie. Et quel plaisir de filer ainsi sans bruit et sans fumée !




Dans les cuisines du château de la Belle, tout le monde vient de s'endormir d'un profond sommeil. Pour l'oie suspendue au plafond cette longue sieste sera hélas la dernière.




Les gâteaux et les bonbons seront aussi présents sur la table tout au long de la période de Noël, pour le plus grand plaisir des enfants... et des gourmands. Toute illuminée par des bougies disposées sur son sapin, la vitrine du pâtissier confiseur fascine l'enfant qui la contemple avec envie.




Sur l'étalage du fruitier, les belles oranges, elles aussi, tentent les petits enfants...




...tout comme les gâteaux et brioches de la boulangerie-pâtisserie.




Après les victuailles, il ne faut surtout pas oublier d'acheter le sapin !




Grand ou petit, peu importe la taille du sapin, pourvu qu'il soit bien décoré et illuminé.




Aux Pays-Bas, ce n'est pas le Père Noël qui apporte des jouets aux enfants, c'est Sinterklass (Saint-Nicolas) qui se charge de la distribution dans la nuit du 5 novembre, monté sur son cheval et accompagné de Zwarte Piet, son serviteur noir.




Selon les statistiques actuelles, un tiers de la population néerlandaise serait catholique. Il en était sans doute de même au vingtième siècle et Anton Pieck semble avoir représenté ci-dessus des fidèles se rendant à la cathédrale. Peut-être pour la messe de minuit, vu que l'enfant tient une lanterne.





Pour terminer ce billet, voici comme promis un résumé de la vied'Anton Pieck :

Anton Pieck et son frère jumeau Henry sont nés le 19 Avril 1895 au Helder, en Hollande-Septentrionale. Leur don pour le dessin se manifeste très tôt. Bien que les finances de leur famille soient limitées, dès six ans Anton et Henry prennent des cours de dessin auprès du  peintre Johannes Baptist Mulders, le soir après la classe.

En 1906, le père ayant pris sa retraite, la famille Pieck déménage pour aller s'installer à La Haye. Anton y poursuit ses cours de dessin à l'institut Bik en Vaandrager. Entre 1915 et 1919, il effectue son service militaire à Amersfoort, une cité moyenâgeuse qui l'enchante et dont il a fait de nombreux dessins.

En 1920, devenu enseignant au Bik en Vaandrager, Anton Pieck s'éprend de Jo van Poelvoorde, une de ses élèves. En prévision de leur mariage, il prend alors un poste de professeur au Kennemer Lyceum qui vient de s'ouvrir à Overveen, tout près de Haarlem. Il y enseignera durant quarante ans, jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite à l'âge de soixante cinq ans. Sa sécurité financière ainsi assurée, Anton épouse Jo en 1922. Le couple aura trois enfants Elsa née en 1924, suivie d'Anneke leur seconde fille née en 1925 et d'un fils, Max en 1928.

Toute la carrière de peintre et illustrateur d'Anton Pieck s'est déroulée parallèlement à son métier de professeur d'Art au Kennemer Lyceum. Son style, caractérisé par la nostalgie d'un passé romantique fortement idéalisé, l'a rendu immensément populaire auprès du grand public. En 1951, Pieck a été sollicité pour concevoir une forêt de conte de fées pour l'Efteling, le grand parc d'attactions hollandais alors en construction et qui a ouvert ses portes l'année suivante.

Le 24 Novembre 1987, alors âgé de 92 ans et chevalier de l'Ordre d'Orange-Nassau, récompense octroyée en raison de son travail depuis plus d'un quart de siècle, Anton Pieck quitte ce monde en laissant derrière lui des dizaines de milliers d'images. Des peintures, gravures, gravures sur bois, lithographies, des illustrations de livres et de revues, des ex-libris, des cartes de vœux et des calendriers, ainsi que des dessins de voyages et de nombreux croquis en vrac ; le tout formant une œuvre immense, labeur de toute une vie bien remplie.

source : Anton Pieck, site officiel



Bon marché de Noël et à bientôt



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Devinette de Noël

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Devinette
à quoi peut bien servir cet angelot ?


Vendredi, comme le ciel ne nous était pas tombé sur la tête, je suis allée au marché de Noël de La Défense, ainsi que dans les centres commerciaux du Cnit et des Quatre Temps, faire mes derniers achats de cadeaux.

En chemin, j'ai rencontré le petit angelot ci-dessus. Avec son support, il forme un objet à la fois utile et décoratif.

Parviendrez vous à deviner de quoi il s'agit ?à condition bien sûr que cela vous amuse !

Petite précision, l'angelot ne mesure sans doute guère plus de douze centimètres de haut. L'objet mystère, quant à lui, est à peu près de la même hauteur.

La solution de l'énigme sera publiée après Noël.

D'ici là, les commentaires seront cachés, mais ils seront dévoilés en même temps que la solution. Avec la solution, ce sera également l'occasion de vous montrer quelques unes de mes photos des décorations de Noël, prises à la tombée de la nuit sur le parvis de La Défense.


Le sapin du marché de Noël de La Défense
photo prise vers 12:45
(le jour de la fin du monde !)




En attendant la solution de la devinette
je vous souhaite à toutes et à tous de très bonnes fêtes de Noël




©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Solution parfumée

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Comme prévu, voici la solution de la devinette de Noël du billet précédent.

Angelot diffuseur de parfum

Bravo Elfi ! tu as bien deviné

Dans les commentaires du précédent billet, Françoise et Nathanaëlle ont toutes les deux parlé de "bouchon". Effectivement, cet angelot sert de bouchon décoratif à un diffuseur de senteurs parfumées pour la maison.

J'ai photographié cet objet au centre commercial des Quatre Temps à la Défense, dans une boutique d'une enseigne portugaise récemment installée en France : "A loja do gato preto", en français la Boutique du Chat Noir.

Après avoir fait mes photos, j'ai soulevé l'angelot et une bouffée de senteurs florales m'a enveloppée. Dommage que l'internet ne puisse pas reproduire les odeurs comme il le fait pour les sons et les images !

C'est en faisant mes derniers achats de cadeaux le vendredi précédent Noël que j'ai photographié l'angelot. Voici maintenant quelques photos du centre commercial Les Quatre Temps et du parvis de La Défense où était installé le marché de Noël, au pied de la Grande Arche.



L'ancienne place de la patinoire



La chorale de La Défense



Cor des Alpes sonnant l'ouverture du chalet restaurant Bavarois



Le marché de Noël et la perspective vers l'Arc de Triomphe



Le sapin du marché, le soir



Boule de Noël géante



Noël polaire, le Pingouin



Le Noël polaire et le restaurant Bavarois au pied de la Grande Arche



Le décor polaire et le Cnit en arrière-plan



L'ours polaire



La perspective de l'axe historique, le soir



Premier quartier



Il fait nuit, c'est l'heure de rentrer !


Petite pause pendant la trêve des confiseurs.
Passez de bonnes fêtes de fin d'année, dans la joie et la sérénité.
Je reviendrai pour vous souhaiter la Bonne Année, à bientôt


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

2013 année de la chance

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Meilleurs vœux à toutes et à tous !
Que le 13 de 2013 vous porte bonheur
et que la chance soit avec vous tout au long de l'année.


C'est au Japon que l'on trouve le plus de porte-bonheur parmi les divinités et les esprits de la mythologie.

Les 7 divinités japonaises du Bonheur
(crédit photo)
Les sept divinités du bonheur représentées ci-dessus sont (de gauche à droite)

Hotei, dieu de l'abondance et du contentement
Benzaiten, déesse des arts et des sciences, de la beauté et de l'éloquence
Ebisu, dieu du commerce et de la prospérité
Daikokuten, dieu de la richesse obtenue par le travail et la patience
Fukurokuju, dieu du bonheur, de la richesse et de la pérennité 
Jurojin, dieu de la longévité
Bishamonten, dieu des honneurs et du succès

Sont également porteurs de chance, certains animaux considérés comme magiques par les japonais, tels le chat, le renard ou le tanuki.

Tanuki

Le tanuki est un symbole de chance et de prospérité. Si vous avez vu Pompoko, le film de Isao Takahata réalisé par le Studio Ghibli, vous savez de quoi sont capables les tanukis.


Maneki-neko

Au Japon, le maneki-neko est le chat porte-bonheur par excellence. On le trouve à la porte de nombreux commerces et services, mais aussi dans les habitations.

Quant au renard, c'est Kitsune. Tout comme le tanuki, c'est un esprit magique.

Aujourd'hui, veille du Nouvel An, c'est le jour où jamais d'admirer l'une des estampes d'Hiroshige faisant partie de sa série "Cent vues d'Edo" :


 Les feux des renards à la veille du Nouvel An sous l'arbre d'Ôji
Hiroshige, 118e planche de la série « Cent vues d'Edo »

"De nuit, sous un ciel étoilé, la veille du Nouvel An, des renards phosphorescents, accompagnés de mystérieuse flammeroles, se rassemblent sous un grand arbre à Ôji, au nord d'Edo, près du sanctuaire shintô d'Inari, la divinité du riz. D'après la légende, les renards, messagers d'Inari et gardiens du temple, étaient dotés de pouvoirs surnaturels : bien que traditionnellement regardés au Japon comme des animaux nuisibles, les renards étaient censés se donner rendez-vous la nuit du dernier jour de l'année sous un micocoulier, pour protéger la récolte du riz et conjurer le mauvais sort ; alors émanaient d'eux des feux follets qui brûlaient à leur côté comme autant de flambeaux alimentés par leur haleine. Les paysans formulaient des vœux : du nombre de flammeroles devait dépendre l'abondance de la récolte à venir. Lorsque mourut le grand arbre de l'époque de Hiroshige, les habitants décidèrent d'en planter un nouveau vénéré de nos jours encore." (source de la citation)


Depuis 1873, les japonais ont adopté le calendrier grégorien, il fêtent donc leur Nouvel An quelques heures avant nous. Le soir de la St Sylvestre ils se contentent d'un repas frugal en attendant minuit, heure à laquelle ils vont au temple pour célébrer Ōmisoka.



Bon réveillon

Que 2013 soit pour vous une année magique !


Edit du 5 janvier 2013
En répondant au commentaire d'Arlette, j'ai trouvé une vidéo d'un chat japonais qui ressemble à un Maneki-neko, la voici :


D'après le traducteur automatique de Google,
le titre de cette vidéo dit à peu près ceci :
"chat mutant, debout comme un enfant"

n'est-il pas craquant ?!


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

Marre du gris !

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Vue de ma lucarne, le 10 janvier
à midi !
 
Ras le bol du gris !


Étude préliminaire pour Le soir, L'Arbre Rouge
Piet Mondrian - 1908
Gemeentemuseum, La Haye (notice)

Je veux du bleu !


Le soir, L'Arbre Rouge
Piet Mondrian - 1908-1910
Gemeentemuseum, La Haye (notice)


En Île-de-France, depuis le début du mois de décembre, la grisaille n'a guère connu d’accalmie. L'hiver est aux abonnés absent. Relative douceur et gris omniprésent, voilà de quoi mettre le moral en berne...


Portrait de Billy
Kees Van Dongen - 1920
Musée de Grenoble


et vous rendre mélancolique.


La dame en bleu
Hubert-Denis Etcheverry - 1922
Musée Bonnat, Bayonne (notice de la RMN)


La tête appuyée sur une main est l'attitude mélancolique par excellence. Jean-Baptiste dans le désert en est un bon exemple. Au passage, je veux bien habiter un désert comme celui de Gérard de Saint-Jean !


Saint Jean-Baptiste dans le désert
Gérard de Saint-Jean (Geertgen tot Sint Jans) - 1490
Gemäldegalerie, Berlin (notice de la RMN)


Il est vrai que le bleu est associé à la mélancolie. Avoir le blues, c'est avoir du vague à l'âme, être nostalgique. L'origine du mot vient de l'expression anglaise blue devils (abrégée en blues), les diables bleusétant l'équivalent anglais de nos idées noires. Voilà qui rejoint la melancholia (littéralement bile noire), la boucle est bouclée.


Quand  il fait tout gris du matin au soir, que faire pour sortir de la mélancolie et combattre l'ennui ?

Portrait d'une jeune femme
Theophile-Alexandre Steinlen - 1897
collection privée

Il faut s'évader.
La lecture est un bon moyen...

Dans la Bibliothèque
Auguste Toulmouche - 1872
Galerie A.J. Kollar, Seattle (notice)

le rêve en est un autre.

« I am half sick of shadows » said the Lady of Shalott
Sidney Harold Meteyard - 1913
Birmingham Museums and Art Gallery

Rêve de ciel bleu...


Le Moulin à Charenton
François Boucher - 1758
Toledo Museum of Art, USA (lire la notice)

.. d'hivers sous d'autres cieux,
en Perse...



L'hiver en Perse
Jean-Paul Laurens - vers 1850
Musée des Beaux-Arts de Salies, Hautes-Pyrénées (lire la notice)


..en Italie.
Ou tout simplement...



Moderne Italie, les Pifferari
J.M.W. Turner - vers 1838
Glasgow Museums, Royaume-Uni (lire la notice)

..en France.
Au Pays basque ou...


Paysage avec une femme à la fontaine
Joseph Lailhaca - 1er quart du 20e siècle
Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

.. en Gironde.
Ou encore...



Paysage de la vallée du Peugue
Hippolyte Pradelles - vers 1869
Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

..en Haute-Normandie.


Falaises d'Étretat
Gustave Courbet - 1870
Galerie nationale, Berlin

Vivement le Printemps !


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2013

Carré magique

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À l'instar de Claude
Reine des zozios et du crochet
je vous ai tricoté des petits carrés
Pas pour faire un gilet
 
juste pour vous amuser
si vous aimez la peinture 
et si vous avez envie de jouer !




Sur chacun des 9 carrés ci-dessus figure un détail d'un tableau célèbre.

La taille du détail par rapport au reste du tableau est variable.

Le degré de "célébrité" est également variable, certains sont plus connus que d'autres. Néanmoins, tous ces tableaux sont connus de la plupart des personnes qui s'intéressent un peu à la Peinture

Pour être tout-à-fait juste, c'est en recherchant des tableaux qui ont servi à constituer le grand carré, que j'ai découvert l'un d'eux. J'ai hésité à le faire figurer, mais vu que le peintre qui l'a réalisé est hyper célèbre, certain(e)s d'entre vous le connaissent sans doute.

Afin de faciliter vos réponses, les neuf petits carrés, sont numérotés comme suit




À vous d'indiquer le titre du tableauà la suite du numéro du détail que vous aurez identifié.
Et bien sûr le nom du peintre !


Bonne chance
et que la ou le meilleur(e) gagne !



Pendant la durée du jeu, les commentaires sont modérés, ils ne seront visibles que lorsque je publierai la solution.


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2013

Carré, neige et solution

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Avec le froid, la neige est arrivée en région parisienne.
D'abord une fine pellicule, qui a tenu malgré le soleil...


Mercredi 16 janvier


...ensuite une bonne couche, tombée cette nuit et qui s'est bien installée sous le ciel gris de samedi dans lequel volètent toujours quelques flocons de ci de là.


Il y a un avion qui se cache dans une des photos, l'avez-vous repéré ?
(cliquez sur l'image pour mieux voir)




























Laissons tomber la neige et passons à présent à la solution de l'énigme picturale que constituait le "Carré Magique" du billet précédent.


Pour commencer, un rappel du Carré Magique


et voici les tableaux
correspondants aux détails des cases


Gabrielle d'Estrées (à droite) et sa sœur la duchesse de Villars
École de Fontainebleau - vers 1594
Musée du Louvre

La notice de la base Joconde indique que cette peinture fut précédemment attribuée à François Clouet avant d'être classée "anonyme" parmi les tableaux de l'École de Fontainebleau. La fiche du Musée du Louvre précise qu'il s'agit du Portrait présumé de Gabrielle d'Estrées et de sa sœur la duchesse de Villars.


La Grande Odalisque
Jean-Auguste-Dominique Ingres - 1819
Musée du Louvre (notice)

La déformation anatomique de cette odalisque, au torse très étiré, est l'un des exemples de la liberté de style expressément revendiquée par Ingres. L'artiste privilégie ainsi le style et l'esthétique au mépris du réalisme, comme le firent avant lui les peintres maniéristes de la Renaissance.


Les époux Arnolfini
Jan van Eyck - 1434
The National Gallery, Londres (notice)

Bien que Les époux Arnolfini soit l'un de mes tableaux préférés, vu qu'il a depuis longtemps fait l'objet de maintes interprétations et analyses, je me bornerai ici à indiquer la race du petit chien : c'est un Affenpinscher.


La Vénus d'Urbino
Le Titien - 1538
Galerie des Offices, Florence

Le "tichien" du Titien (ouaf !) dort si bien près de sa maîtresse, qu'il se fait oublier et n'éveille pas suffisamment l'attention pour demeurer en mémoire. Du moins pour certain(e)s d'entre vous, qui n'ont pas réussi à l'identifier. Pour ce tableau aussi les analyses ne manquent pas (lire ici celle de Wikipédia).

Quant à la race de ce mignon petit chien, c'est un épagneul nain continental (pourquoi continental ? je n'en sais rien !). Cette race comprend deux variétés, le phalène qui a les oreilles tombantes, comme celui qui dort sur le tableau du Titien, et le papillon qui a les oreilles dressées (source et photos).

Dans le premier standard de la race, cette variété était nommée "Vecelli", en hommage à Tiziano Vecelli (ou Vecellio), alias Le Titien. Sur le portrait de Clarissa Strozzi à l'âge de deux ans, le phalène du Titien apparait cette fois bien éveillé. Le même épagneul nain endormi se trouve aussi sur le portrait d'Éléonore de Mantoue, épouse du Duc d'Urbino.


Deux Crabes
Vincent van Gogh - 1889
The National Gallery, Londres (notice)

Les Deux Crabes de Van Gogh, voila une peinture qui m'a bien étonnée quand je l'ai découverte en recherchant des tableaux célèbres. Tout d'abord parce que je ne la connaissais pas (il va falloir que je me décide à traverser la Manche !). Ensuite, si on me l'avait montrée en me demandant qui l'a peinte, j'aurais eu bien de la peine à répondre. Autre surprise, ces Deux Crabes ne sont pas les seuls de la main de Van Gogh, il y en un autre au musée d'Amsterdam.



Un bar aux Folies Bergère
Édouard Manet - 1882
The Courtauld Gallery, Londres

Ici, j'envoie un grand coup de chapeau à  Elfi et Nathanaëlle - ainsi qu'à Michel (alias Avignon) et Hazló - qui ont identifié la case n°6 du "Carré Magique". À votre place j'aurais mis des jours à trouver !

Noter au passage, que singulièrement il n'y a pas de pluriel au mot Bergère. L'explication se trouve sur cette page retraçant l'historique des Folies Bergère (c'est imprimé en rouge).


La Laitière
Johannes Vermeer - 1660
Rijksmuseum, Amsterdam

La chaufferette de La Laitière n'est pas ce que l'on remarque, ni retient, le plus dans ce magnifique tableau. D'après l'article de Wikipédia, elle aurait remplacé un panier à linge..



Les Ambassadeurs
Hans Holbein le Jeune - 1533
The National Gallery, Londres (notice)

Les Ambassadeurs, ou le double portrait de deux diplomates français ayant vécu dans la première moitié du seizième siècle, est un tableau imposant par ses dimensions et par la virtuosité du peintre. Là non plus les exégètes ne manquent pas, c'est le genre de peinture qui nécessite des pages et des pages pour pour en faire le tour.  L'analyse de Wikipédia est à la hauteur de la réputation de ce tableau qui, par son anamorphose et les objets qu'il présente, pourrait être considéré comme une Vanité du Savoir.



Les Ménines
Diego Velázquez  - 1656
Museo Nacional del Prado, Madrid (notice)

Les Ménines, ou La Famille de Felipe IV, je ne sais pourquoi ce tableau m'a toujours fait une impression bizare. Est-ce parce que le spectateur se sent observé par quatre personnages, dont aucun n'esquisse ne serait-ce que l'ombre d'un sourire ?

En approfondissant la question à l'occasion de ce billet, je viens de lire que le destin de la petite infante Marguerite-Thérèse a été bref. Mariée à l'âge de quinze ans à Léopold 1er Empereur du Saint Empire, elle décède dans sa vingt-deuxième années des suites de son quatrième accouchement. Sur ce tableau, la petite infante à cinq ans.

********

Voilà, après avoir fait le tour des neuf cases du carré, il me reste à féliciter Nathanaëlle qui a trouvé les titres de huit tableaux.

Elfi s'étant volontairement mise hors concours en écrivant« après mûr réflexion et l'aide d'un livre.. les dames au bain.. le petit chien et le panier aux crabes ... je le laisse aux autres..:))) ».

Michel aussi mérite vos applaudissement pour avoir été le premier a donner d'emblée les titres de sept tableaux.

Le détail des résultats de tous les participants se trouve à la fin des commentaires qui font écho au Carré Magique.


Merci à toutes et à tous et bon dimanche
avec ou sans neige !


EDIT du 22 janvier 2013
Ajout des informations concernant la race du petit chien qui figure sur La Vénus d'Urbino


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2013

Au bout du chemin, l'Oiseau Bleu

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Mercredi 16 janvier au matin, un léger voile blanc couvre les toits.


Fine pellicule sur les toits


Enfin, le ciel est bleu !
Il fait froid, mais le soleil invite à la promenade.
L'après-midi, chaudement couverts, nous partons pour notre habituelle promenade en bordure de Seine.


Le chemin de halage en Juin

Été comme hiver, une promenade toujours aussi agréable !

Sur le trajet, non loin du viaduc de l'autoroute dont j'ai parlé l'an passé, se trouve l'entrée du parc.


Le panneau d'information
(cliquer pour le lire)

Peu d'oiseaux ce jour-là autour de l'étang de l'Épinoche.
Le cygne, sommeillant au loin parmi les roseaux, demeurait hors de portée de mon petit appareil numérique.


Aucun signe du cygne !

Ne cherchez pas le cygne dans la photo ci-dessus, il n'y est pas.
La dernière fois que je l'ai vu de près, c'était à Pâques et il était occupé à téléphoner


Allo ! ma puce ?..

La semaine dernière, seuls quelques canardsétaient visibles, dormant au loin sur l'étang.


Sieste hivernale

Pas d'oiseaux non plus dans les arbres du parc silencieux.


Au gui l'an neuf

Le soleil était déjà bien bas sur l'horizon...


Le soleil couchant, derrière l'autoroute


...il était temps de songer à rentrer.

Sur le chemin du retour, j'ai découvert ce qui m'a semblé être un château de contes de fée...




Serait-ce le château de La Belle au Bois Dormant, se détachant ainsi sur le ciel vespéral ?


Un château de légende
le château de Saint-Germain-en-Laye


Un château féérique à la tombée de la nuit, le premier quartier de lune trônant dans le ciel... l'atmosphère était propice à une rencontre extraordinaire...


Au clair de lune, l'Oiseau Bleu !

Ce fut comme dans un rêve heureux.
Au bout du chemin, en levant les yeux nous avons découvert 
L'Oiseau Bleudes contes !



Florine et l'Oiseau Bleu, La Belle Au Bois Dormant
Sarah Lamb et Yohei Sasaki, Royal Ballet


Que ce soit chez les frères Grimm, ou dans le conte de Charles Perrault, Florine n'apparait pas dans La Belle Au Bois Dormant.

Dans le ballet, l'histoire de La Belle au Bois dormant diffère sensiblement de celle du conte. Lors du mariage final, des personnages d'autres contes, tels le Chat botté ou Cendrillon, sont invités.

L'Oiseau Bleu
illustration pour le conte de Mme d'Aulnoy
imagerie d'Épinal

L'origine du personnage de Florine se touve dansL'Oiseau Bleu,l'un des Contes de Fées de Madame d'Aulnoy.


Le sommeil de l'Oiseau Bleu


La nuit était tombée, l'oiseau sommeillait, doucement nous sommes rentrés chez nous.

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Dans la pièce de Maurice Maeterlinck, l'Oiseau Bleu est sans cesse changeant, sans cesse s'échappant. Il représente le Bonheur et la pièce se termine sur cette phrase « Nous en avons besoin pour être heureux plus tard.»


Dans la chanson d'Eddie ConstantineL'homme et l'Enfant, reprise récemment par son fils Lemmy et Chloé Stéfani,« l'Oiseau Bleu c'est l'Amour»


Enregistrement studio de "L'homme et l'enfant"
interprété par Lemmy Constantine et Chloé Stéfani
Extrait de l'album In Différence



Edit du dimanche 27

Arlette m'a envoyé un si beau cadeau que je ne peux le conserver en cage pour moi toute seule




Merci Arlette, ton oiseau est un véritable oiseau de paradis !




©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2013

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